Drame du lycée de Nkolbisson: l’échec de la gouvernance scolaire
Un élève bourreau de son enseignant. Comme un monde à l’envers. La mort Maurice Njoni Tchakounte sous les coups du compas (un outil pédagogique) de son élève symbolise l’échec de la gouvernance scolaire au Cameroun. Surtout dans le secteur public, qui s’inspire profondément des modèles d’ailleurs. Aujourd’hui, fini les bonnes vieilles méthodes qui ont fait pourtant leurs preuves en tenant compte de nos cultures, de nos us et coutumes. Place désormais à la modernisation à outrance et à l’occidentalisation des enseignements. Le bon vieux fouet, excellent redresseur de torts et autres caprices, a été interdit. Il n’est donc plus rare que l’enseignant écope des sanctions pour avoir ignoré cette règle ou subisse les foudres des parents pour avoir osé punir ou faire des remontrances à son élève.
Du coup, l’enseignant qui était presque un dieu est quelquefois la risée de ses élèves. Qui n’hésitent pas à le regarder un dans les yeux, à le toiser, à le défier. Car ce n’est pas seulement l’enseignant qu’on craignait, mais aussi et surtout le fouet, la chicote qui avait des vertus pédagogiques. De nos jours, c’est plutôt de l’élève que l’enseignant a peur. Même le surveillant est parfois obligé de laisser faire, de peur de perdre son poste.
Pis, les intérêts mercantilistes ont pris le pas sur la mission assignée à l’éducation. Il est de notoriété publique que les postes se monnayent. A plus forte raison ceux de proviseur de lycée ou de directeur de collège d’enseignement secondaire. Le prix à payer est fonction de la localité sollicitée. Il faut mettre le prix fort si on veut être proviseur dans des villes comme Douala ou Yaoundé. A ce sujet, un ancien proviseur sait de quoi il parle en soutenant qu’au ministère des Enseignements secondaires, le directeur des ressources humaines fait partie des collaborateurs les plus choyés par sa hiérarchie. Car il représente une bonne sinon la plus importante source de revenus pour son patron.
Et les effets de cette démarche sont bien visibles sur le terrain. Après avoir déboursé une importante somme d’argent pour être nommé, le proviseur doit avoir un retour sur investissement. Alors il recrute à tour de bras, quitte à ce que les salles de classe se retrouvent avec des effectifs pléthoriques. Il n’est pas rare qu’on atteigne des effectifs de 130 dans certaines classes. Et les recrutements se font uniquement en fonction de l’épaisseur de l’enveloppe, sans tenir compte de la moralité des élèves. L’établissement scolaire public devient alors le lieu où se recrutent même les délinquants dangereux non seulement pour le corps enseignant, mais aussi pour les élèves qui subissent souvent les brimades de leurs camarades en silence. Par peur de représailles. Pourquoi alors être surpris par des drames comme celui d’hier au lycée classique de Nkolbisson. Malheureusement les victimes ne se comptent parmi les responsables de cette situation.
Arthur L. MBYE