Vie chère: Pessimisme autour de la baisse de l’inflation en 2025

Dans sa récente note de conjoncture publiée fin février, l’Institut national de la statistique (INS) explique que c’est un objectif qui pourrait toutefois s’avérer difficile à atteindre face aux contraintes auxquelles le gouvernement devra faire face.
Comment le gouvernement camerounais pourrait-il réduire le taux d’inflation de 4,5% à 4% en 2025 ? La réponse se trouve dans un récent rapport de l’Institut national de la statique (INS) intitulé : « Suivi de l’inflation au Cameroun : Note sur l’évolution en 2024 et perspectives 2025 ». Et pour le dire le moins, l’INS est plutôt pessimiste. « Le gouvernement s’est fixé pour objectif de ramener l’inflation à 4% ; un objectif qui pourrait toutefois s’avérer difficile à atteindre face aux contraintes auxquelles le Gouvernement devra faire face. Parmi les mesures susceptibles d’exacerber la hausse des prix figurent certaines dispositions de la loi de finances de l’Etat au titre de l’exercice budgétaire2025, du fait notamment de divers ajustements fiscaux », indique le rapport. Qui ajoute que, ces mesures, bien qu’essentielles pour renforcer la stabilité des finances publiques à travers notamment l’augmentation des recettes publiques à long terme, risquent d’alimenter une hausse immédiate des coûts de production et conséquemment des prix à la consommation, impactant directement le pouvoir d’achat des ménages.
Le rapport de l’Institut souline que, l’évolution des tarifs de l’énergie jouera également un rôle clé dans la dynamique inflationniste. Car, « une augmentation des prix de l’électricité ou des carburants pourrait accentuer la pression sur les entreprises, qui devront alors supporter des coûts d’exploitation plus élevés ». Aussi, la fréquence des coupures d’électricité et le coût élevé de l’énergie contraignent déjà de nombreuses entreprises à recourir à des solutions alternatives, telles que les générateurs fonctionnant au gasoil, une option onéreuse qui alourdit considérablement les coûts de production. Et si ces hausses de coûts sont en partie ou totalement répercutées sur les prix des biens et services, cela pourrait entraîner une érosion significative du pouvoir d’achat des consommateurs.
Face à ces défis, préconise l’INS, le gouvernement camerounais devra mettre en place des stratégies économiques ciblées pour contenir l’inflation, notamment en renforçant la surveillance des marchés, en stabilisant les chaînes d’approvisionnement et en accélérant les réformes structurelles visant à diversifier l’économie et à sécuriser l’approvisionnement énergétique. Un équilibre entre maîtrise des prix et stimulation de la croissance sera essentiel pour préserver la stabilité macroéconomique du pays et renforcer sa résilience face aux différents chocs.
Courbe inflationniste
En 2024, le taux d’inflation au Cameroun s’est établi à 4,5%, soit une baisse de 2,9 points de pourcentage par rapport à 2023, où il atteignait 7,4%. Sur une période de trois ans, de 2022 à 2024, l’inflation cumulée s’élève à 19,3%, reflétant une période de choc inflationniste intense. Cette hausse exceptionnelle résulte de deux facteurs majeurs : la flambée des prix des produits alimentaires, qui constituent une part importante des dépenses des ménages ; l’augmentation des coûts des transports, liée aux hausses des prix du carburant et aux perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Pour comparaison, l’inflation cumulée sur une période de neuf ans, entre 2013 et 2021, s’élevait à 17,5%, soulignant ainsi la gravité et la rapidité de la crise inflationniste observée depuis 2022. Cette flambée des prix exerce une pression considérable sur le pouvoir d’achat des ménages, limitant leur accès aux biens et services essentiels. Par exemple, un panier de consommation standard, évalué à 100 000 FCFA à la fin de 2021, coûte désormais 119 253 FCFA, traduisant une augmentation de près de 19,3% en seulement trois ans. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les ménages à faible revenu, qui allouent une part importante de leur budget aux produits de première nécessité, accentuant ainsi les inégalités sociales.
Les produits alimentaires et les biens et services de transport, qui représentent environ 44% des dépenses totales des ménages, sont restés les principaux moteurs de l’inflation : les produits alimentaires ont enregistré une hausse de 5,6%, en grande partie due à l’augmentation des prix des légumes, des pains et céréales. Dans le secteur des transports, l’inflation a atteint 12,3%, alimentée par la flambée des prix du carburant, conséquence directe des hausses des prix à la pompe survenues le 1er février 2023 et le 03 février 2024.
Ces hausses successives ont eu des effets en cascade, augmentant les coûts de déplacement des ménages et les coûts logistiques liés à la distribution des marchandises surtout par route. Ce phénomène a contribué à un renchérissement général des biens et services dans divers secteurs économiques. Cette double pression sur les prix alimentaires et logistiques intensifie les tensions inflationnistes et pourrait, à long terme, contraindre les ménages à réviser leurs habitudes de consommation. Les dépenses essentielles, telles que l’alimentation et le transport, risquent de prendre une part croissante des budgets, limitant les dépenses dans d’autres secteurs.
Produits alimentaires
Le secteur alimentaire est souvent le principal contributeur à l’inflation en raison de sa forte pondération dans les dépenses des ménages. Malgré le maintien de prix alimentaires élevés, une décélération de leur augmentation a été observée en 2024, avec une progression passant de 11,1% en 2023 à 5,6% cette année. Ce ralentissement concerne plusieurs catégories de produits, traduisant un certain apaisement des pressions inflationnistes sur le marché alimentaire.
Dans le détail, es prix des légumes ont enregistré une hausse de 11,5%, contre une augmentation plus marquée de 22,2% en 2023. Les poissons et fruits de mer ont vu leurs prix augmenter de 4,5%, une baisse notable par rapport à la hausse de 9,0 % l’année précédente. Les prix des produits de la catégorie « lait, fromage et œufs » ont progressé de 3,8%, contre 7,8% en 2023. Les fruits ont connu une augmentation de 9,1%, en baisse par rapport à la progression de 14,3% enregistrée en 2023. En revanche, une tendance inverse a été observée pour les huiles et graisses, qui ont enregistré une baisse de 6,8%, contrastant avec une hausse de 5,7% en 2023.
Les augmentations des prix des légumes s’expliquent principalement par le renchérissement (i) des légumes frais en fruit ou en racine, tels que les oignons, tomates, gombos, et haricots verts, (ii) ainsi que des légumes secs et oléagineux, comprenant des haricots secs, gombos secs, pois secs, graines de courge et « djansan ». Les légumes frais en feuilles, ainsi que les tubercules et plantains (comme les plantains, bananes plantains, pommes de terre et ignames), ont également vu leurs prix augmenter. La hausse des prix des pains et céréales découle surtout de l’augmentation des prix des produits comme le maïs en grain, le mil, le sorgho, le riz, la farine de maïs et la farine de petit mil. La montée des prix des poissons et fruits de mer s’explique notamment par l’augmentation des prix des poissons congelés, ainsi que des produits de la mer séchés ou fumés. Les augmentations des prix de la volaille et de la viande de porc ont également considérablement contribué à la hausse des prix de la viande.
En ce qui concerne les huiles et graisses, la baisse de 6,8% des prix est principalement due à la diminution des prix des huiles brutes et raffinées. Pour les « lait, fromage et œufs », l’augmentation est principalement imputable à la hausse des prix des œufs et du lait, ainsi qu’à une augmentation modérée des autres produits laitiers. Enfin, les prix des produits regroupés sous la catégorie « sucres, confitures, miels, chocolats et confiseries » ont progressé de 0,6%, essentiellement en raison de l’augmentation des prix des confitures, des miels, des chocolats et des confiseries.
Oumarou Mey