Transport de l’électricité: L’État ouvre la porte aux capitaux privés

Face aux pertes massives de l’énergie produite et à un réseau saturé, le gouvernement envisage de libéraliser le secteur afin de moderniser les infrastructures et d’attirer les financements privés.

Le transport d’électricité au Cameroun est à un tournant stratégique. Confronté à un réseau vieillissant, mal réparti et techniquement défaillant, l’État s’apprête à mettre fin au monopole public détenu par la Société nationale de Transport de l’Electricité(Sonatrel), pour ouvrir ce segment critique du secteur énergétique aux investisseurs privés. Une première depuis l’introduction de la réforme du secteur dans les années 2000.

Cette ouverture, à en croire le site en ligne « La voix des entreprises », vise à accélérer les investissements dans les infrastructures de transport, à améliorer la gestion, à réduire les pertes techniques et à désengorger les finances publiques. Un modèle hybride, associant capitaux publics et privés, est désormais en construction, bien qu’il reste encore à définir les mécanismes de régulation et de partage des risques.

Sur le terrain, quelques initiatives montrent déjà la voie. À Douala, par exemple, la Sonatrel a signé un partenariat avec Prometal, leader de la sidérurgie au Cameroun, pour un raccordement direct en haute tension de 50 à 75 MVA. Cet accord permettra d’assurer une alimentation stable pour cette entreprise, tout en allégeant la pression sur le réseau classique. Par ailleurs, sur le plan régional, le projet d’interconnexion Cameroun-Tchad (PIRECT) ambitionne de livrer jusqu’à 100 MW d’électricité à N’Djamena. Toutefois, ce projet est freiné par un déficit de financement estimé à 150 milliards FCFA, ce qui alourdit les coûts et retarde son exécution.

L’ouverture à la concurrence dans le transport ne sera pas sans défis. Il faudra instaurer un cadre juridique solide, garantir la transparence de la gouvernance, et sécuriser les investissements privés dans un secteur historiquement contrôlé par l’État. À cela s’ajoute le défi de reconnecter efficacement les grands barrages en construction, tels que Nachtigal (420 MW), Kikot ou Grand Eweng, au réseau national, avec pour horizon 2028.

À moyen terme, cette réforme pourrait réduire la dépendance budgétaire de l’État, faciliter l’intégration énergétique régionale (notamment avec le Tchad, la RCA et le Congo), et positionner le Cameroun comme un hub électrique en Afrique centrale.

Mais pour y parvenir, il faudra convaincre que le système électrique camerounais peut offrir des garanties de rentabilité et de stabilité, là où pendant longtemps, les délestages et les pertes financières ont découragé les initiatives privées. La transition est engagée, mais elle devra s’appuyer sur une gouvernance forte, un cadre réglementaire transparent et une planification rigoureuse.

Il faut rappeler ici que cette orientation s’inscrit dans le cadre du Compact énergétique national, un programme qui a pour objectif de porter la capacité installée du pays à 3 000 MW d’ici 2030, afin de fiabiliser et étendre le réseau électrique national. Véritable feuille de route du secteur, le Compact énergétique fixe des priorités claires : améliorer les interconnexions régionales, moderniser les lignes existantes, et attirer des investisseurs crédibles.

La stabilité énergétique est désormais perçue non seulement comme un besoin social, mais également comme un levier de compétitivité économique. Le pari est audacieux, mais incontournable.

Par Julien Efila

 

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