Surpopulation carcérale: Le Cameroun franchit le seuil des 177 % d’occupation en 2024

Selon la Commission des droits de l’Homme du Cameroun, entre 2019 et 2024, le taux d’occupation des prisons a bondi de 159 % à 177 %, avec une hausse de 21,5 % du nombre de détenus.
À l’occasion de la 8e édition de la Journée africaine de la détention provisoire, célébrée le 25 avril 2025, la Commission des droits de l’Homme du Cameroun (Cdhc) a révélé des chiffres alarmants sur l’état des prisons camerounaises. En cinq ans, la capacité d’accueil des prisons a crû de seulement 1 800 places, passant de 19 155 places en 2019 à 20 955 places en 2024, tandis que la population carcérale a augmenté de 21,5 %, passant de 30 606 détenus à 37 150 détenus. Cette augmentation a provoqué une hausse significative du taux d’occupation des prisons, de 159 % en 2019 à 177,28 % en 2024.
La question de la détention provisoire abusive reste également un problème majeur. En 2024, la Commission avait déjà dénoncé des cas de détention excessive dans plusieurs prisons, notamment à Ngaoundéré, Guider, Tcholliré et Ntui, où la durée de la détention provisoire dépassait les normes légales sans jugement. Cette situation perdure en 2025, malgré les efforts pour y remédier. La Commission a ainsi attiré l’attention sur le cas de M. Ousman Chetima Djamaladini, incarcéré depuis avril 2022 dans la prison de Maroua, et ce, malgré une décision de mise en liberté prononcée en octobre 2022. « Il a fallu l’intervention de la Cdhc en octobre 2024 pour qu’il soit enfin relaxé, après deux années de détention provisoire illégale ».
Ainsi, l’augmentation du nombre de détenus, conjuguée aux lenteurs judiciaires et à une gestion pénitentiaire défaillante, crée un climat propice à l’aggravation de ces abus. « Le ratio des détenus par gardien atteint parfois des niveaux inquiétants, avec jusqu’à 1000 détenus pour un seul agent pénitentiaire dans certaines prisons », déplore la Commission en indiquant que, si des réformes ont été amorcées, elles demeurent insuffisantes. En 2024, la Commission des droits de l’Homme avait salué l’acceptation par le gouvernement de plusieurs recommandations issues de l’Examen Périodique Universel (EPU) du Cameroun.
Toutefois, les actions concrètes sur le terrain restent lentes. Le manque de transparence dans l’administration pénitentiaire et le retard dans l’application des réformes législatives continuent de freiner une véritable modernisation du système. En 2025, la situation ne semble pas avoir évolué de manière significative, malgré les annonces et les préoccupations exprimées par le procureur général près la Cour suprême, Luc Ndjodo, lors de l’audience de rentrée judiciaire de 2025. Il a de nouveau insisté sur l’importance de lutter contre la détention provisoire abusive, mais les mécanismes de contrôle restent largement inefficaces.
La Commission a réitéré ses recommandations au gouvernement, appelant notamment à un renforcement des infrastructures pénitentiaires pour faire face à l’afflux de détenus. En outre, elle a exhorté le ministère de la Santé publique (Minsanté) à garantir un accès adéquat aux soins de santé pour les détenus, et le ministère des Affaires Sociales (Minas) à mettre en place des programmes de réinsertion efficaces afin de réduire le risque de récidive.
Le gouvernement a également été appelé à intensifier la sensibilisation sur l’existence et l’effectivité de la Commission d’indemnisation en cas de détention provisoire abusive, et à renforcer la communication entre les parquets et les prisons pour éviter que les détenus ignorent la situation de leurs dossiers.
Hélène Tientcheu