Région de l’Est: Comment s’organise la fraude des permis miniers

A l’occasion d’une rencontre des communes l’Association ministère du Cameroun (Acomicam), le 20 janvier à Batouri les participants ont été édifiés sur les exploitations illégales de minerai et le trafic des orpailleurs.

C’est Forêts et Développement Rural (Foder), une association écologiste à but non lucratif, qui révèle le pot-aux-roses. Son principal dirigeant, Baudelaire Kemajou, a révélé, le 20 janvier dernier à Batouri, comment la fraude minière s’organise. C’était à l’occasion d’une rencontre des communes l’Association ministère du Cameroun (Acomicam). « Ils sont à Yaoundé, montent des faux dossiers de permis de recherche de mirerai  et obtiennent des milliers d’hectares du ministère des Mines dont certains des hauts fonctionnaires sont membres de cette mafia. S’accaparent de territoires tout entier, revendent à partir de Yaoundé a 2 000 000 F/Ha aux chinois pour exploiter l’or de manière artisanale.  Les chinois débarquent en milliers, chassent des populations  de manière illégale sur leurs terres octroyées par le Ministère des Mines aux élites camerounaises pour de la recherche, saccagent des milliers d’ha avec des excavateurs pour l’or et ne sont responsables de rien car les permis de recherche sont établis au nom des camerounais qui  font de manière clandestine des ventes », déclare le promoteur de Foder.

Il poursuit : « Sur le papier le permis de recherche est établi pour des études et non pour l’exploitation. Mais sur le terrain c’est autre chose et personne n’ose broncher car, la mafia intimide et corrompt les autorités. Tout le monde a peur de parler. Les autorités locales  sont menacées depuis Yaoundé par le système mafieux quand ils veulent agir pour faire respecter la loi ».

A en croire cette source, pour le cas du département de la Kadei, à l’Est du Cameroun, l’ONG Foder a dénombré près de 250 morts en 10 ans. « Certains racontent dans tout l’Est que le défunt ministre des Mines, Dodo Ndoke a été liquidé par la Mafia. Certaines autorités me confient comment ils sont appelés et intimidés depuis Yaoundé quand ils veulent agir. L’actuel préfet de la Kadei est un Fonctionnaire courageux qui a pris la décision de fermer certaines mines dangereuses et a pu résister jusqu’à ce jour à toutes les menaces. Tout le département de la Kadei est accaparé par des permis de recherche qui dépossèdent les populations des terres entières pour la recherche mais en réalité pour l’exploitation frauduleuse d’or. 90 à 95% des activités d’exploitation sont illégales et se passent dans les espaces dédiés à  la recherche », révèle notre source.

Conséquences de la mafia minière

Face à cette situation, les conséquences sont énormes. Car, indique l’Acomicam, des milliers de population sont dépossédées des terres. Pis, des produits  chimiques dangereux à l’instar du mercure, sont utilisés illicitement sur les chantiers. Conséquence, indique l’association, 71 % des populations qui sont impliqués dans les travaux d’excavation ont dans le corps des taux de mercure à des niveaux dépassant la norme, selon une étude du Foder avec un cabinet américain

En outre, tous ces milliers d’ha contaminés au mercure et produits chimiques ne peuvent plus être utilisées par les populations pour l’agriculture ; non seulement parce qu’elles sont contaminées mais aussi parce les terres sont dégradées avec des trous géants. « – Toutes ces espaces dégradés sont abandonnés entre les mains des maires qui ne savent quoi faire. Car personne n’est responsable de cet état de dégradation », affirme la source.

Et Baudelaire Kemajou de déclaré : « Depuis 10 ans je me suis battu pour que les maires disposent du pouvoir dans le contrôle des activités minières sur leur territoire. Nous avons réussi à créer une Association  des communes minières pour porter la défense des intérêts des collectivités. Nous avons travaillé pour faire modifier le code minier de 2023 et faire publier  les décrets d’application  de 2024  pour transférer certaines compétences aux Communes a l’instar de celle des autorisations de la mine artisanale.  Or ce qu’on constate c’est que 90% des activités « artisanales » se déroulent sur des espaces de recherche dont les autorisations sont délivrées à Yaoundé et non par le maire et ceux des Camerounais qui disposent des autorisations comme artisans miniers l’ont obtenu depuis Yaoundé avant la réforme du code et l’ont sous-loué aux Chinois. Dans la KADEI par exemple l’essentiel des terres disposent des permis de recherche ou les maires ne peuvent intervenir. C’est comme si on vendait la chèvre et on tenait la corde ».

Dans certaines localités, apprend-on, plus de la moitié des élèves ont abandonné l’école pour la mine artisanale. Car les familles pauvres voyant que des « étrangers » ont envahi leur territoire pour l’or se sont elles aussi investies avec tous les effets sociaux, sanitaires et environnementaux cités.

Au cours de la rencontre de Batouri, les maires des communes minières du Cameroun a offert l’occasion aux élus locaux de porter sur la place publique ces phénomènes mafieux qui spolient l’Etat, dégradent l’environnement, engendrent des maladies et transforment des terres cultivables en friches dangereuses pour des siècles avenirs.

Au-delà de ces constats la rencontre a recommandé d’élaborer des stratégies ; chasser sur le terrain la mafia alimentée par des Camerounais eux-mêmes qui impliquent la mafia chinoise, nigériane, malienne etc…. « Quand les mafieux sentent du bruit autour de leurs activités, ils sortent et disparaissent car sur le papier c’est des noms camerounais. On constate que certaines élites ont utilisé des Carte nationale d’identité (CNI) des morts pour solliciter des permis de recherche et des autorisations. Dans le milieu la même personne physique détient une dizaine voir une centaine de permis ou d’autorisations qu’il loue à l’hectare a 2 000 000 francs aux Chinois », révèlent les maires.

Pour participer à cette rencontre, Baudelaire Kemajou raconte : « Avant mon départ de Yaoundé, on m’a mis en garde sur ce qu’il faut dire en public. Mêmes certains maires m’ont confié eux aussi qu’ils sont menacés depuis la publication du nouveau code minier qui leur octroie des compétences. Je devrais dès mon arrivée au lieu des assises être prudent  en tant que initiateur de la démarche, louer plusieurs chambres dans la ville avec les noms différents des collègues restés à Yaoundé pour brouiller les pistes, désactiver on téléphone de temps en temps, bref éviter d’être localisé quelque part la nuit jusqu’à la fin des travaux ».

Au final, les maires ont lancé un appel au secours. Et qu’il faut que les autorités qui ont peur de dénoncer prennent l’exemple du courageux Préfet de la Kadey qui essaye à son niveau de s’attaquer à la mafia. Les populations doivent prendre leur destin pour stopper la dérive mafieuse quand elles ne sont pas complices. L’Etat ne doit pas être assujetti  et pris en otage par le clan mafieux. « Après le terrain il faut porter la démarche à Yaoundé et confondre tête-à-tête les responsables qui ont pris en otage le Ministère des Mines. C’est un défi énorme et il faudrait qu’à Yaoundé d’autres se joignent à ce combat et prennent les relais. On sera certainement épuisé et menacé ou intimidé », conclut le Foder.

Maixent Fegue

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