Prix de la viande : Yaoundé régulée, le reste du pays attend toujours

Alors que la flambée des prix de la viande de bœuf sévit depuis plusieurs années sur l’ensemble du territoire national, le ministre du Commerce a signé un communiqué obligeant le retour au tarif normal uniquement dans la ville de Yaoundé.

Sous la pression croissante de la population face à la flambée des prix de la viande de bœuf sur le marché, Luc Magloire Mbarga Atangana a convoqué une réunion d’urgence le 23 juin dernier avec les associations de commerçants à bétail, syndicats de bouchers, responsables administratifs et techniques, dont le ministère de l’Élevage, la Sodepa et les autorités de l’arrondissement de Yaoundé 1ᵉʳ. L’objectif était de ramener la stabilité dans les marchés de la capitale, où les prix avaient pris l’ascenseur ces trois derniers mois. À l’issue de cette concertation, des mesures fermes ont été arrêtées. On observe aussitôt un retour aux anciens prix plafonds, soit 3 000 FCFA/kg pour la viande sans os, et 2 500 FCFA/kg pour la viande avec os, contre respectivement 3 500 et 3 000 FCFA. Ces tarifs, datant du 31 décembre 2024, doivent désormais s’appliquer immédiatement et de manière obligatoire à tous les acteurs du circuit commercial dans la ville de Yaoundé.

Une initiative saluée dans la capitale, mais qui fait grincer des dents ailleurs. À Douala notamment, premier poumon économique du pays, les populations s’interrogent. « Le Cameroun se limite-t-il à Yaoundé ? », s’exclame un commerçant du marché central, visiblement exaspéré. Pour beaucoup, cette décision illustre une fois de plus le déséquilibre dans la gestion des affaires publiques, comme le résume une expression populaire désormais sur toutes les lèvres : « Si Yaoundé va bien, le pays va bien ». Au-delà, d’aucuns pensent que cette mesure pourrait s’appliquer sur l’ensemble du Cameroun. « Ce que nous reprochons à chaque fois à nos dirigeants, c’est ce sentiment d’inégalité qu’ils laissent percevoir par leurs actions », s’exprime Kevin T. D’un ton de colère. En effet, la crise touche l’ensemble du territoire. De Garoua à Bafoussam, en passant par Bertoua ou Ebolowa, les ménages font face aux mêmes hausses vertigineuses, sans encadrement des prix ni soutien du gouvernement local.

« Ce traitement à géométrie variable frustre les citoyens », souligne l’économiste Jean-Marie Biada. « Le panier de la ménagère souffre partout, pas uniquement à Yaoundé. » poursuit-il. Néanmoins, le ministre du Commerce annonce des perspectives de long terme avec la structuration de la filière bovine, notamment par la création d’une interprofession dédiée et l’installation d’un pont-bascule pour mieux encadrer le prix du bétail sur pied. Une avancée saluée, mais jugée trop timide et trop lente par les acteurs du secteur, surtout en régions. En rappel, la filière bovine au Cameroun est un secteur important de l’économie, contribuant significativement à la production de viande et de lait. Malgré l’augmentation de la production de viande bovine ces dernières années, les défis tels que la diminution de la production nationale et la menace de maladies animales persistent.

Selon les données officielles publiées par l’INS, l’élevage bovin fournit annuellement 110 000 tonnes de viande et 184 000 tonnes de lait, la viande de bœuf représentant 54 % de l’ensemble des produits carnés. Cependant, la production nationale de viande bovine a diminué, passant de 130 169 tonnes en 2023 à 94 300 tonnes en 2024. Le projet de marché interrégional de Douala et Edéa, d’une capacité de 20 000 bêtes sur 110 hectares, vise à revitaliser la filière bovine et à assurer un approvisionnement optimal en viande de qualité. Le programme Agropole soutient le développement de la filière bovine par des actions telles que la fourniture d’équipements agricoles (tracteurs). Pour l’heure, les habitants de Yaoundé respirent un peu, pendant que le reste du pays attend des mesures similaires. En attendant, la colère monte, et les frustrations s’accumulent. Car au Cameroun, on mange de la viande partout, pas seulement à Yaoundé.

 

Charles Totchum

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