Paul Biya tend la main au Fonds mondial
Le président de la République séjourne depuis mardi à Lyon en France, en compagnie de son épouse, ambassadrice de bonne volonté de l’Unesco, pour prendre part à la 6ème conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
C’est un rendez-vous crucial pour le combat contre trois maladies qui font globalement quelque trois millions de morts par an. La sixième Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme se tient les 9 et 10 octobre, à Lyon, en présence du président de la République Paul Biya. Lors de ce séjour, le chef de l’Etat rencontrera son homologue français Emmanuel Macron. L’occasion pour les deux dirigeants d’échanger sur les résolutions du dialogue national qui vient de s’achever au Cameroun.
Depuis 2003, le Cameroun a reçu un soutien permanent global de 315.327.841.225 milliards de FŒA du Fonds mondial. Ceci à travers 19 subventions (8 pour le Sida, 7 pour le paludisme et 4 pour la tuberculose). C’est ainsi que le financement du plan stratégique national de lutte contre le Sida 2018-2022 représente à lui seul 626.420.398 Euros à mobiliser.
Des dirigeants mondiaux, des responsables de la société civile, des chefs d’entreprises, des militants, des philanthropes, des défenseurs des droits et des personnes touchées par le VIH, la tuberculose et le paludisme sont présents à Lyon, en France, pour objectif de récolter au moins 14 milliards de dollars US, environ 7000 milliards de FŒA pour aider à sauver 16 millions de vies, éviter 234 millions d’infections et aider la communauté internationale à se remettre sur la bonne voie pour en finir avec les trois maladies. Un «défi » nécessaire pour venir à bout de ces épidémies d’ici à 2030.
De l’avis de tous, atteindre cette barre sera difficile, sur fond de «fatigue des donateurs». La cause du sida peut sembler moins urgente qu’il y a quelques années et de nombreux financements sont mobilisés pour la cause environnementale, comme le Fonds vert pour le climat, perçue comme plus porteuse politiquement. «Dans le contexte actuel, toute augmentation importante au-delà des 12,2 milliards de dollars» récoltés il y a trois ans, lors de la dernière conférence de refinancement du Fonds mondial, «sera considérée comme un succès», explique-t-on à l’Elysée, alors que la France est cette année le pays hôte de la conférence.
14 MILLIARDS
«Il nous faut, à Lyon, 14 milliards de dollars», affirmait pourtant Emmanuel Macron il y a deux semaines, à l’assemblée générale de l’ONU, soulignant que «plus personne ne peut comprendre que pour des raisons financières (…) il soit aujourd’hui impossible d’accéder à des traitements pour prévenir ou guérir de telles maladies».
Ce montant a été fixé en janvier par le Fonds mondial qui y voit un minimum pour se donner une chance d’atteindre l’objectif de l’ONU: mettre fin d’ici à 10 ans aux épidémies de sida, de paludisme et de tuberculose, les trois principales maladies infectieuses qui constituent une menace pour la santé mondiale. Il est pourtant jugé déjà insuffisant par de nombreuses ONG qui s’appuient sur l’estimation d’experts indépendants, calculant qu’il faudrait 16,8 milliards à 18 milliards de dollars pour y parvenir.
La 6e conférence «de reconstitution des ressources» du Fonds mondial, pour la période 2020- 2022, réunira 700 participants, dont 10 chefs d’Etat et de gouvernement, principalement africains. Le milliardaire Bill Gates, premier contributeur reconnaît lui aussi les avancées « sans précédent » accomplies. La fondation qu’il dirige avec son épouse Melinda a versé plus de 2 milliards de dollars au Fonds mondial depuis 2001 et devrait annoncer ces jours-ci le montant alloué pour les trois ans à venir. Mais il rappelle que « ces progrès ne sont pas inéluctables. Chaque jour, près de mille adolescentes et jeunes femmes sont infectées par le VIH. Un enfant meurt encore toutes les deux minutes du paludisme et, tous les ans, près de 40 % des personnes qui font une tuberculose ne sont ni détectées ni traitées, insiste le philanthrope américain. L’action du Fonds mondial est ainsi tributaire de la générosité mondiale pour financer le combat continu contre la maladie. »
Une quinzaine de pays donateurs ont déjà annoncé leur contribution, permettant d’assurer les trois-quarts du montant final. Les Etats-Unis conserveront leur rang de premier donateur avec un apport en hausse de 9% à 4,68 milliards de dollars voté par le Congrès, qui reste à officialiser. Le Royaume-Uni, deuxième contributeur pour la période 2016-2019, a annoncé un montant de 1,44 milliard de livres (environ 1,7 milliard de dollars), en hausse de près de 20%, tandis que l’Allemagne, qui occupe le quatrième rang, apportera 1 milliard d’euros (environ 1,1 milliard de dollars), soit une augmentation de 18%.
TRAITEMENT
L’atteinte de l’objectif final dépendra donc des montants engagés par le secteur privé et par la France, un des fondateurs du Fonds et deuxième donateur historique, mais qui n’a pas augmenté sa contribution depuis 2010, à 1,08 milliard d’euros. Raison pour laquelle 200 ONG ont signé la semaine dernière une tribune dans Le Monde appelant la France à augmenter sa contribution «d’au moins 25%». «Mais pour atteindre la cible des 14 milliards et que la France retrouve sa place de leader européen, il faudrait une hausse de 45%», estime Enzo Poultreniez, responsable chez Aides, évoquant le «mauvais calcul» de ceux qui «rechignent à investir». Alors que le traitement annuel contre le VIH coûte maintenant moins de « 100 dollars (50000 FCFA, ndlr) par an», les 40% de personnes séropositives qui n’y ont pas accès «font la dynamique de l’épidémie », argumente-t-il.
Depuis sa mise en route en 2002, le Fonds mondial estime avoir sauvé 32 millions de vies. Ses subventions ont permis de placer 18,9 millions de personnes sous traitement anti-VIH, de tester et traiter 5,3 millions de patients pour une tuberculose, et de distribuer 131 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide afin de protéger du paludisme. Des progrès majeurs puisque 62 % des personnes chez qui le VIH a été détecté étaient sous antirétroviraux en 2018 quand ils n’étaient que 22 % en 2010. L’objectif des Nations unies pour 2020 est de parvenir à 81 %.
Jean Robert FOUDA