Paul Biya, imprévisible jusqu’au bout

En remettant en liberté les figures de proue du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) ainsi que certains prisonniers arrêtés pour des délits commis en zone anglophone, le chef de l’Etat prouve à l’Histoire qu’en quête de paix, il est prêt à tout, même là où on l’attend le moins.

48 heures. Et des applaudissements à tout rompre. Même les plus difficiles à convaincre ont laissé tomber leur pessimisme pour saluer les actions de recherche de la paix de Paul Biya. « This is an encouraging first step toward peaceful dialogue in the Southwest and Northwest regions of Cameroon » -il s’agit là d’un premier encourageant pallier de franchi pour la recherche de la paix dans les Régions anglophones- se réjouit Tibor Peter Nagy, secrétaire d’État adjoint aux États-Unis pour les affaires africaines. Pour cet ancien officier du service extérieur américain, le grand dialogue national convoqué par Paul Biya avait ainsi toutes les chances de réussir, après cet acte présidentiel du 3 octobre.

En effet, dans le proche entourage de Paul Biya, souffle un habitué des cercles de pouvoirs à Etoudi, person­ne ne pouvait imaginer jusqu’où le chef de l’Etat pou­vait aller pour la recherche de la paix. Ce d’autant plus que lors de son adresse à la nation le 10 septembre, le président de la République avait rappe­lé que la loi fondamentale du pays lui donne le pouvoir de grâce et d’abandon des pour­suites judiciaires.

Seulement, lors de cette sortie, Paul Biya a fait sem­blant d’écarter totalement cette hypothèse, autant pour les séparatistes que pour les hommes politiques devenus entretemps des champions de la désobéissance civile. « Je voudrais d’ailleurs en profiter pour préciser que le respect de la règle de droit et la lutte contre l’impunité constituent les piliers de la consolidation de l’Etat de droit, à laquelle nous aspirons tous. Fouler aux pieds la règle de droit et assurer l’impunité à cer­tains citoyens, aboutiraient à préparer le lit de l’anarchie. Il est donc fondamental, à ce stade, de dissiper les rumeurs selon les­quelles, l’on peut tranquillement piller, violer, incendier, kidnap­per, mutiler, assassiner, dans l’espoir qu’un éventuel dialogue permettra d’effacer tous ces crimes et assurera l’impunité à leurs auteurs. Une telle façon de penser ne peut qu’encourager la perpétuation des violences dans les régions en crise et même en susciter dans les régions où il n’y en a pas, ainsi que nous l’en­seigne l’expérience vécue par plusieurs pays dans le monde. »

REVIREMENT &RÉCONCILIATION

A ce stade, bien malin aurait été quiconque pouvait prédire la libération des 333 détenus arrêtés dans le cadre de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Là encore, il était presqu’impos­sible de voir Paul Biya ordon­ner la mise en liberté de Maurice Kamto et sa clique, surtout que le discours du 10 septembre était exclusive­ment axé sur la crise sociopo­litique en zone anglophone. Même si le chef de l’Etat ouvrait déjà subrepticement une brèche à de potentielles libérations. « Il est toutefois vrai que dans le cadre d’un dia­logue, d’un processus de paix ou de réconciliation nationale, il puisse être envisagé l’éventualité d’un pardon, dans certaines conditions. Il est également vrai qu’aux termes de notre Constitution, le chef de l’Etat est habilité à user d’un droit de grâce. »

Ainsi, en 48 heures seule­ment, c’est-à-dire le 3 et le 4 octobre, Paul Biya a pris de court l’opinion nationale et internationale. D’abord le jeudi 3 du mois en cours. « Le président de la République a décidé ce jour de l’arrêt des pour­suites pendantes devant les tri­bunaux militaires contre cer­taines personnes arrêtées et déte­nues pour des délits commis dans le cadre de la crise dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. » Pour le ministre d’Etat Secrétaire général de la présidence de la République (SGPR) Ferdinand Ngoh Ngoh, cette décision « pro­cède de la volonté constante de permettre à ceux de nos jeunes compatriotes de ces deux Régions, désireux de renoncer à la violence et de revenir dans le droit chemin, de pouvoir de nouveau parti­ciper à la grande œuvre de construction nationale. »

L’encre de cette décision fort saluée n’avait encore entièrement séché, que le lendemain, 4 octobre, le chef de l’Etat revient à la charge, sur sa page Facebook. « J’ai décidé de l’arrêt des poursuites judi­ciaires contre certains respon­sables et militants du partis politiques, notamment du MRC, arrêtés et détenus pour des faits commis dans le cadre de la constations des résultats de la récente élection prési­dentielle. » Un communiqué dans ce sens signé du SGPR va en profondeur. « Le président de la République (…) a décidé de l’arrêt des poursuites pendantes devant les tribunaux militaires, contre cer­tains responsables de partis poli­tiques et notamment du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) arrêtés et détenus pour des faits commis dans le cadre de la contestation des résultats de la récente élec­tion présidentielle. »

« Cette décision qui inter­vient au moment où s’achève les assises du Grand dialogue natio­nal convoqué par le Chef de l’Etat, procède de sa volonté constante de promouvoir un cli­mat de paix, de fraternité et de concorde entre les filles et les fils du Cameroun, propice au déve­loppement socio-économique de notre pays. »

Il n’est pas dès lors exclu de voir encore d’autres déci­sions d’envergure, politique­ment et économiquement significatives sortir du palais présidentiel d’ici la fin de l’année en cours, tant le chef de l’Etat semble tenir à deux choses. La bonne santé de l’économie dans son ensemble, et la paix à travers tout le territoire. D’ailleurs, « le chef de l’Etat réaffirme sa détermination à poursuivre sans relâche ses efforts dans la recherche des voies et moyens d’une résolution pacifique des crises et différends auxquels peut être confronté notre pays et à promouvoir, avec l’aide de tous les Camerounais de bonne volon­té, une vie politique et sociale apaisée. »

Aloys ONANA

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