Louis Paul Motaze : « La loi de finances n’a pas créé d’impôts »

Interrogé par les députés de l’Assemblée Nationale lors des questions orales, le ministre des Finances a clarifié les zones d’ombres de la loi de finances 2025, notamment au sujet des niches fiscales ; la crainte d’une hausse des prix du carburant à la pompe au cours du prochain exercice budgétaire ; le contrôle de l’inflation et l’augmentation du pouvoir d’achat des populations. « Expression économique » retranscrit ses propos in extenso dans cette édition.

 

Le gouvernement, comme vous le savez, honorables députés travaille depuis un certain temps pour résoudre les problèmes qui s’opposent à notre économie. Peut-être faut-il le rappeler, on a souvent tendance à oublier que l’état du Cameroun comme d’autres États d’ailleurs fait fasse à un certain nombre de vents contraires qui l’empêchent de poursuivre la trajectoire qu’il s’est fixé. Nous avons dit qu’il fallait un taux de croissance supérieure à 8 % pour atteindre un certain niveau de développement. Il ne vous a pas échappé que depuis le document de stratégie de croissance et l’emploi et la SND30, les imprévus sont arrivés. Le gouvernement a-t-il inventé la pandémie du coronavirus ? Le gouvernement a-t-il créé ou provoquer la guerre Russo-ukrainienne? Mais c’est des choses qui sont arrivées que nous appelons des vents contraires et qui nous amènent là où nous sommes.

Je voudrais d’ailleurs dire parce qu’on n’est pas souvent que juste avec le gouvernement, en oubliant de rappeler que, dans les années 2015, le taux de croissance au niveau du Cameroun a atteint un taux de presque 7%. On allait tout droit vers l’objectif qu’on s’était fixé et puis est arrivé ce qui est arrivé. Entre la baisse des prix du pétrole et la situation sécuritaire, les pays de la CEMAC ont dû conclure des réformes avec le Fond monétaire international (FMI). Aujourd’hui nous avons un taux de 4,1% c’est la réalité de la conjoncture, nous travaillons pour essayer de réduire cela.

Vous demandez pourquoi emprunter alors que les voleurs sont connus ?

Honorable il y a une seule personne qui est capable de décider de la culpabilité d’un citoyen pour vol, c’est le magistrat.  Le reste c’est du populisme. C’est le magistrat qui doit constater l’infraction pénale qu’on appelle le vol et dire qui est voleur. Donc laissons les magistrats le dire quand ils le diront. Le temps de la magistrature n’est pas le temps du populisme. Laissons les magistrats dire qui sont les voleurs et quelles sont les sanctions éventuelles qui pourraient leur être appliqués.

Vous avez également parlé de la création et de l’augmentation des impôts.

Moi je n’ai pas vu les impôts dont vous parlez. La loi de finances n’a pas créé d’impôts. Nous essayons d’élargir la masse imposable et l’assiette fiscale. Ceci pour faire en sorte que ce ne soient pas les mêmes qui supportent le poids fiscal. Peut-être il faut aussi dire à quoi servent les impôts, croyez-vous qu’il soit possible en même temps de souhaiter avoir plus de routes bitumées, plus d’hôpitaux, plus d’écoles et plus d’enseignants et ne pas pouvoir les financer ? La réponse est non, par ce qu’il faut trouver des financements sans recourir à la dette. La position du gouvernement est de ne pas trop s’endetter. Nous sommes à 40% du produit intérieur brut c’est un très bon score, qui fait en sorte que le Cameroun soit classé parmi les 10 pays les moins endettés d’Afrique. Si on ne recourt pas à la dette il reste quoi? Il reste ce qu’on appelle les recettes internes ordinaires et c’est là, la force du Cameroun, il faut savoir le dire. Vous êtes en train d’examiner une loi de finances, où nous sommes à plus de 5000 milliards de francs CFA, pour un budget de plus de 7000 milliards, ça veut dire que notre budget est financé à 70% par les recettes internes ordinaires, et c’est très bien. Je voudrais vous dire que d’autres pays en Afrique centrale ont des budgets qui sont financés à 60% par la dette et d’autres à 85 % par le seul produit du pétrole et nous savons ce qui peut se passer si le prix du pétrole baisse. Donc ça veut dire qu’il le faut encourager l’augmentation des impôts, bien sûr, en faisant en sorte que la répartition de cette charge ne pèsent pas sur les mêmes et c’est ce que nous faisons. Je voudrais vous assurer qu’avant de venir vers vous, avant de préparer la loi de finances, nos collaborateurs à savoir le directeur général des impôts et le directeur général des douanes ont reçu des orientations pour rencontrer les partenaires sociaux pour des discussions sur les mesures nouvelles des impôts, et taxes à créer. On n’a pas créé d’impôts nouveaux.

Vous voulez savoir pourquoi avoir présenté une loi sur la fiscalité locale alors qu’on aurait pu mettre tout cela dans la loi de finances.

Mais vous êtes bien placé pour savoir que non seulement l’opinion nationale et internationale, et même nos partenaires techniques et financiers, attendaient l’avènement de la fiscalité locale. Nous avons pensé que, pour quelque chose de si important que l’avènement d’une fiscalité locale, et parce que nos collectivités territoriales décentralisées ont besoin de ressources, il fallait effectivement montrer qu’il y a la fiscalité locale.

 

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Vous êtes également revenu sur les problèmes du pouvoir d’achat des populations et le taux élevé de l’inflation.

Le gouvernement n’a jamais caché les difficultés. Le gouvernement n’a jamais refusé de voir que l’inflation est forte. D’ailleurs lorsqu’il y a eu l’augmentation du prix du pétrole à la pompe, le gouvernement a procédé au renouvellement des salaires. Le gouvernement agit sur d’autres choses, il essaie de maintenir les prix où ils sont. D’abord, par l’augmentation de la production agricole et halieutique, mais également pour faire en sorte que les populations payent moins que ce qu’elles devraient payer. Vous avez dû lire le communiqué du ministre du Commerce qui a annoncé avoir discuté avec les cimentiers qui acceptent baisser le prix du ciment, vous devez applaudir des deux mains. Avec l’avènement du Covid-19, le prix du clinker, matière première avec laquelle l’on produit le ciment, a augmenté de plus de 70%. Si le prix de la matière première augmente de 70% et les taux de fret augmente de plus de 80%, dans une économie, toutes ces augmentations devraient être imputées au prix du produit. Le gouvernement travaille, négocie avec les opérateurs pour ne pas imputer ces augmentations au prix final du produit. Nous avons vu les actions menées par le ministre du Commerce pour que le prix de la bière n’augmente pas. Toutes ces actions témoignent du travail du gouvernement pour essayer de maintenir un fort pouvoir d’achat chez nos populations. Mais rappelons-nous que, le pouvoir d’achat c’est ce que vos revenus vous permettent d’obtenir.  Et vous pouvez améliorer le pouvoir d’achat soit en augmentant les revenus, soit en diminuant les dépenses des populations et c’est là où la Couverture santé universelle (CSU) peut également intervenir comme un élément qui améliore le pouvoir d’achat. Le ministre de la Santé aurait pu vous parler de la dialyse dont le prix a été divisé par 10 ou par 20. Ça veut dire que, vous êtes malade, vous allez à l’hôpital et vous devez sortir votre argent pour vous faire dialyser, vous payez le dixième du prix, qui lui n’a pas baissé, et le reste c’est l’État qui paie.  La dialyse aujourd’hui coute 15000 FCFA alors qu’elle aurait pu coûter bien plus que ça. D’où l’intérêt de l’extension de la CSU qui va pas à pas et dont le premier objectif maintenant est de s’étendre sur les sur les 10 régions. C’est autant de choses qui améliorent le pouvoir d’achat des populations, même s’il n’y a pas de distribution du revenu, mais il y a réduction des dépenses que doivent vous supporter les populations.

C’est également ce que nous recherchons en améliorant l’offre d’énergie. Nous améliorons l’offre d’énergie par une production plus grande. Vous connaissez Nachtigal qui va bientôt finir de mettre en place toutes les turbines. Vous savez qu’on a d’autres barrages en vue, Kikot 500 mégawatts. En évoquant ces barrages, je parle plutôt de l’hydro-électricité, c’est-à-dire une énergie qui doit normalement coûter moins cher que ce que nous avons maintenant. Actuellement, nous continuons à utiliser des grands groupes dans certaines régions dont le coût est extrêmement élevé. Plus vous avez de l’énergie moins cher, moins vous payer. Et si vous payez moins, ça veut dire vous améliorer le pouvoir d’achat des populations. On peut citer beaucoup d’exemples comme ça qui montrent que le gouvernement n’est pas indifférent à la situation de l’inflation.

Au sujet de la hausse des prix du carburant à la pompe

Je voudrais dire deux choses, la première chose, je confirme que le budget qui est devant vous, ne  dit nulle part que le prix du carburant à la pompe va augmenter. Il y a baisse des subventions tout simplement parce que le prix à l’international a baissé, le dollar s’est comporté d’une certaine manière et c’est la raison pour laquelle nous avons prévu une subvention de presque 15 milliards seulement, c’est de l’économie, c’est tout. On n’a pas à subventionner si le prix n’est pas élevé.

Maintenant vous me demandez si je peux jurer ? Moi je n’en sais rien. Si une guerre éclate maintenant est-ce que je sais ce qui peut se passer ? Je n’en sais rien. Ce que vous avez là dans le budget, c’est comme on dit à l’économie, toute chose égale par ailleurs, le prix à l’international, ce n’est pas nous qui le fixons. Nous avons des structures que vous connaissez. La SNH qui travaille avec nos partenaires. Tout le monde nous dit voilà comment le prix du pétrole va se comporter en 2025. Avec ces prix-là nous n’avons pas besoin d’augmenter le prix à la pompe sauf si maintenant quelque chose d’extraordinaire arrive. Donc avec les prix que nous avons à l’heure actuelle, le prix du pétrole ne doit pas augmenter à la pompe en 2025, c’est la position du gouvernement.

Augmenter le budget d’investissement en réduisant le train de vie de l’État

Nous sommes d’accord, le budget d’investissement doit augmenter et il a même augmenté. Il n’a pas augmenté aussi vite mais, il faut là aussi essayer de ne pas faire de la démagogie. C’est bien de lire dans le budget que, le budget des études va augmenter et le budget de mission va augmenter, les honoraires vont augmenter et vous estimer que c’est du gaspillage? Non ce n’est pas du gaspillage. J’ai parlé de la construction des barrages, vous savez combien d’études il faut faire pour aboutir à la décision finale de construire un barrage et un bon barrage ? Il y a des choses comme ça qui sont liées c’est vous qui croyez qu’on peut découpler d’un côté les dépenses telles que les dépenses, des missions, les dépenses des honoraires, les dépenses d’études et les investissements. Mais l’objectif de l’État, c’est effectivement de réduire le budget de fonctionnement. Mais il y a d’autres postes qui augmentent, on ne peut pas faire autrement. Le poste salaire augmente, d’abord parce que le gouvernement n’a décidé ni de réduire le nombre de fonctionnaires ni de baisser leurs salaires. Deuxième chose parce qu’il y a prise en compte de nouvelles charges. Pour les revendications qui ont été faites par les enseignants le chef de l’État a donné des instructions que nous appliquons et nous espérons qu’en cette année 2025, on aura fini avec ce qu’OTS et les autres syndicats ont demandé.

Propos recueillis par la rédaction

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