Liberté de la presse: Le Snjc dénonce une dérive autoritaire au Cameroun

À l’occasion du 3 mai, le Syndicat national des journalistes du Cameroun a dressé un bilan accablant de la situation médiatique et appelé à la mobilisation.
Le 3 mai 2025, alors que le monde célébrait la 32e Journée mondiale de la liberté de la presse sous le thème « Informer dans un monde complexe : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias », le Bureau exécutif national du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) a lancé un cri d’alarme depuis Douala. Il y a dénoncé l’effondrement des libertés démocratiques, la clochardisation des journalistes et l’inaction persistante des autorités face à une crise structurelle du secteur.
Dans un message au ton grave, la formation syndicale rappelle que cette journée survient dans un climat particulièrement sombre pour les professionnels des médias. « La presse camerounaise vit le summum de la catastrophe dans un système dit démocratique », déclare Hilaire Hamekoue, secrétaire général du syndicat, en évoquant la chute du Cameroun à la 130e place sur 180 au classement mondial de Reporters sans frontières en 2024. Le constat est sans appel : brutalités policières lors de rassemblements, surveillance et intimidations, salaires dérisoires, licenciements massifs dans la presse écrite, et refus des employeurs de respecter les décisions gouvernementales, notamment en matière de représentation syndicale et d’application de la Convention collective.
Une alerte partagée à l’échelle mondiale
Le Snjc pointe également l’effondrement des « rares » aides publiques, dénonçant « un pouvoir d’achat laminé » et un environnement de plus en plus hostile à la liberté de la presse. En mai 2024, une parade pacifique prévue à Douala n’avait pu se tenir, bloquée par les forces de l’ordre. Autre inquiétude majeure : la prolifération des fausses nouvelles, alimentée par l’affaiblissement des médias traditionnels. Faute de presse libre, indépendante et soutenue, les Camerounais se tournent massivement vers les réseaux sociaux, devenus, selon le syndicat, des « sources de fake news ». Ainsi, le Snjc déplore l’absence d’autorégulation et l’inapplication des textes existants, révélatrices d’un système qui, selon lui, « instrumentalise la précarité pour mieux contrôler la presse et nuire à la démocratie ».
Mais face à ce qu’il qualifie de « désastre démocratique », le Snjc refuse la résignation. Il appelle à une mobilisation générale et salue la constance des journalistes malgré les pressions. Le 10 mars dernier à Yaoundé, le syndicat a réuni les acteurs du secteur pour initier la création d’un organe des pairs, destiné à renforcer l’éthique et la protection des professionnels. Parmi ses principales revendications : la fin des atteintes aux libertés syndicales, une réelle amélioration du pouvoir d’achat, l’application effective de la Convention collective et la garantie de la sécurité des journalistes.
L’appel du Syndicat national des journalistes du Cameroun trouve un écho sur la scène internationale. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a rappelé que « la liberté des personnes dépend de la liberté de la presse », dénonçant l’augmentation des violences contre les journalistes, en particulier dans les zones de conflit. Il a aussi mis en garde contre les dangers liés à l’usage de l’intelligence artificielle dans la production et la diffusion d’information.
L’Unesco, pour sa part, appelle à une vigilance accrue afin que l’IA serve les valeurs démocratiques et ne les menace pas. Une position partagée par le Snjc, qui observe que l’absence de soutien à une information fiable pousse les citoyens vers des contenus douteux.
Hélène Tientcheu