Le port de la robe divise le barreau du Cameroun
Une image des avocats arborant cet uniforme au domicile de Maurice Kamto fait polémique au sein de l’ordre et dans l’opinion publique.
L’image fait le tour des réseaux sociaux. Et met mal à l’aise le Barreau du Cameroun. Des avocats qui posent avec leur client pour célébrer l’arrêt des poursuites décrété par le chef de l’Etat. La photo est d’autant « choquante » qu’elle met en exergue un client, lui-même avocat, mais surtout aspirant à la gestion des hautes affaires de la République. Ce coup de pub, si tant est qu’il en est un, s’est mué en coup foireux. Surtout pour Maurice Kamto qui se retrouve au centre d’une autre polémique. Après avoir défié l’autorité de l’Etat, voilà le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) qui se retourne contre les pratiques d’une corporation à laquelle il appartient. Obligeant le bâtonnier à sortir d’un silence qu’il aurait souhaité garder après l’épisode éreintant du mot d’ordre suspendant le port de la robe dans les prétoires pendant une semaine en septembre 2019.
« Cette photo […] a suscité beaucoup de commentaires [et] appelle de la part du Barreau du Cameroun en tant qu’institution, une mise au point tant sur la question du port de la robe (ou du costume professionnel en général) que sur l’ambiguïté que peut générer l’image en cause », écrit Charles Patie Tchakoute dans un communiqué rendu public le 18 octobre 2019 à Yaoundé. En reconnaissant que « l’avocat est un citoyen jouissant comme tel de tous les droits consacrés par la Constitution, y compris celui d’adhérer à telle formation politique de son choix », le bâtonnier est précis : « Il relève d’une corporation réglementée qui l’astreint à des devoirs découlant des règles, traditions et usages professionnels, notamment en ce qui concerne le port de la robe (article 41 du règlement intérieur de l’ordre des avocats, ndlr) ».
« Je le dis sans ambages : les avocats ne peuvent revêtir leur robe qu’à des occasions consacrées par les usages et traditions séculaires. Les domiciles privés ne sont d’aucune façon les lieux où la robe d’Avocat peut être portée, sauf situations très particulières sur autorisation expresse et préalable du bâtonnier », s’offusque ce dernier. Qui tranche : « La photo en cause désacralise la robe, attribut et symbole essentiels de la profession d’avocat, ce que je réprouve avec une extrême fermeté ».
RELATIONS AMBIGÜES
L’implication d’un confrère, homme politique, dans l’affaire pousse Charles Patie Tchakoute à préciser que « le barreau du Cameroun n’est pas un parti politique. De même, jaloux de son indépendance, il n’entretient aucune accointance avec quelque parti politique que ce soit ou avec quelque leader politique que ce soit ». Une posture difficile à croire. Surtout en interne. « Ce qui est grave dans cette sortie hypocrite du bâtonnier est qu’il n’envisage aucune action disciplinaire contre les contrevenants. Par ailleurs, on notera qu’il y a parmi ces avocats un membre du conseil de l’ordre. Enfin, on s’apercevra que Kamto et compagnie ont un mépris souverain de la loi et de la déontologie professionnelle. Il viole l’interdiction de manifester. Il viole le port de la robe hors prétoire mais avec ses avocats ils sont prompts à respecter le mot d’ordre de suspension de la robe », indique un internaute très au fait des micmacs des avocats. Et qui a souvent joué les médiateurs entre ce corps auquel il appartient et le gouvernement.
Bernard BANGDA