Le Minmap épingle la corruption de la CUY

Le marché de 450 millions attribué à Cegelec est entaché par des accusations de malversations, de surfacturation et d’irrégularités graves savamment orchestrées. 450 millions de FCFA. C’est au total ce que va débourser la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) pour la fourniture et la pose des illuminations des fêtes de fin d’année 2019 dans la capitale pour la période allant du 5 décembre 2019 au 15 janvier 2020. Soit 41 jours. Cegelec, l’entreprise retenue, dispose de quatre mois pour l’exécution des travaux, qui consistent notamment en « la pose du matériel d’illumination fourni par la CUY, la fourniture et la pose de nouveaux matériels d’illumination, le raccordement des installations sur le réseau Eneo, le maintien en bon état de fonctionnement des illuminations sur tous les sites, la dépose desdits équipements suivie de leur rangement dans les magasins de la CUY».

Sauf que la procédure de passation de ce marché fait beaucoup de gorges chaudes. Elle est entachée par des accusations de corruption, de surfacturation et autres irrégularités graves savamment orchestrées. « Nous sommes souvent trois ou quatre prestataires à soumissionner. Mais cette année, la procédure a été viciée pour étouffer la concurrence », souffle une source. L’Ordre national des entrepreneurs du Cameroun (Onecam), dans une correspondance adressée le 18 juillet 2019 au ministre délégué à la présidence chargé des Marchés publics (Minmap), se veut plus précis : « Il y a effectivement des raisons de s’interroger, notamment sur l’un des critères éliminatoires relatifs aux références. Il est mentionné dans le DAO que pour satisfaire à cette exigence, l’entreprise soumissionnaire doit avoir réalisé durant ces trois dernières années à savoir 2016, 2017, 2018 un chiffre d’affaires lié exclusivement à un projet en éclairage public et illumination d’au moins 1.200.000.000 FCFA. »

Pour l’Onecam, cette exigence parait bien étrange. « Le chiffre d’affaires de ce type de marché auprès du même maître d’ouvrage durant ladite période est à peine supérieur à 400.000.000 FCFA. Nous ne comprenons pas pourquoi ce critère a connu une telle augmentation», écrit son président. Qui poursuit : « Nous osons croire que toutes ces incongruités ne sont pas faites de manière intentionnelle dans le but de disqualifier les PME camerounaises, qui au demeurant réalisent ce type de prestations avec une totale satisfaction. » Tcheho Kamgang enfonce le clou : « Après cette analyse du DAO, nous sommes en droit de nous interroger sur le caractère peu sérieux des responsables qui avaient pour mission de l’élaborer. Et cette curiosité nous pousse à nous demander si ce dossier d’appel d’offres a obtenu le visa préalable de (…) la commission centrale de contrôle des marchés de votre département ministériel ».

Et le Minmap donne raison à l’Onecam. Dans une correspondance datée du 26 juillet 2019 adressée au délégué du gouvernement auprès de la CUY, Ibrahim Talba Malla note que « certains critères de qualification retenus seraient de nature à fausser le jeu de la concurrence ». Au regard de toutes les irrégularités ayant émaillé la procédure, le Minmap prescrit au délégué du gouvernement auprès de la CUY : « Je vous saurais gré des dispositions que vous voudrez bien prendre pour arrêter l’évolution de cette procédure viciée et la reprendre par la suite, en faisant en sorte qu’elle respecte les prescriptions réglementaires en vigueur (…), tout en garantissant les grands principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, d’efficience et d’intégrité ».

Peine perdue. La CUY semble déterminée à mettre tout en œuvre pour que ce marché soit exécuté par Cegelec, qui contrôle déjà les juteux marchés de l’éclairage public et des feux de signalisation. D’ailleurs, d’après nos informations, même la sous-commission d’examen des offres de la CUY a déclaré l’appel d’offres infructueux. Mais visiblement rien n’arrête la CUY.

Au-delà de ces irrégularités, sur le marché des illuminations de fin d’année à Yaoundé pèsent aussi de lourdes accusations de malversations facilitées par la surfacturation. « Avant 2010, le montant du marché était très élevé, parfois jusqu’à dix fois plus cher », dénonce une source à l’hôtel de ville ayant opté de garder l’anonymat. Et les faits corroborent cette thèse. « Pour ne prendre que 2018, le marché attribué à deux prestataires couvrait au total 65 sites pour un montant global de plus de 180 millions de FCFA. Curieusement, cette année alors que les illuminations ne seront installées que sur 26 sites, l’enveloppe globale du marché est de 449 903 513 FCFA », s’émeut un grand conseiller. Qui note que le conseil de communauté a toujours marqué des réserves sur le marché des illuminations de fin d’année depuis bientôt une décennie.

Albert Toue Evini, le directeur du Développement des infrastructures et des équipements de la CUY se justifie : « On refait les études chaque année. Et puis la CUY réduit les sites couverts par les illuminations pour privilégier la qualité ». François Désiré Biyo’o Olinga, chef de service éclairage public, vient à sa rescousse : « Le matériel utilisé pour les illuminations est importé, et c’est le fabricant qui fixe ses prix. Sans véritablement convaincre, il justifie la hausse du budget tantôt par les manquements observés l’année dernière que la CUY voudrait corriger, tantôt par le souci de renouveler un parc devenu vieux. Ce qui rappelle que depuis pratiquement 10 ans que la CUY pose des illuminations de fin d’année, le matériel utilisé est devenu sa propriété. Ce qui devrait donc logiquement induire une réduction des coûts. Même si Albert Toue Evini tente de justifier l’explosion des coûts : « Le matériel gardé n’est pas dans le même état un an plus tard. Il y a forcément des avaries ». Une explication qui ne convainc ni le Conseil de communauté, encore moins les professionnels en la matière.

Dominique MBASSI

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