Grand dialogue national : le jeu trouble de la suisse
Sous son égide s’est tenue du 20 au 22 septembre à Montreux une concertation entre leaders et représentants de mouvements sécessionnistes qui font pratiquement du chantage à l’Etat camerounais.
La Suisse était bien partie pour mener la médiation sur la crise qui secoue les, Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016. Le mois dernier, le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, désigné entre temps par le président de la République pour conduire le ‘’Grand dialogue national’’, a même reçu une délégation helvétique à Yaoundé. Tout semblait donc en bonne voie pour la médiation suisse qui devait être menée, à en croire Jeune Afrique dans son édition du 15 au 21 septembre 2019, par le Centre pour le dialogue humanitaire (HD). Autant dire que Yaoundé n’a jamais fermé la porte à des pourparlers avec ceux qui entretiennent les irrédentismes dans ces deux Régions. A condition qu’il ne soit pas question de sécession.
Voilà que la médiation suisse se révèle sous un autre visage. Ayant perdu la main sur le dialogue voulu et convoqué le 10 septembre par Paul Biya, sous son égide une dizaine de leaders et de représentants de la République virtuelle d’Ambazonie se sont réunis pour la troisième fois à Montreux en Suisse du 20 au 22 septembre. Dans un communiqué publié à l’issue de cette concertation, tout en exprimant leur gratitude au gouvernement helvétique et au Centre pour le dialogue humanitaire pour leur soutien, les leaders et représentants de Ambazonia International Policy Commission, African People’s Liberation Movement, southern Cameroons Congress of the People, etc. se sont accordés pour constituer « une plateforme politico-militaire unie » baptisée Ambazonia Coalition Team (ACT) en vue des négociations avec l’Etat camerounais. ACT se dit prête à s’engager dans les premiers pourparlers sur les modalités des négociations dès que la République du Cameroun sera prête.
Mais la médiation suisse se livre à un jeu pour le moins trouble en s’acoquinant avec des partisans de la partition du Cameroun, à la légitimité au demeurant virtuelle, qui tiennent un discours en réalité en défaveur du dialogue. Surtout que ces différents mouvements sécessionnistes, dont on entend parler pour la première fois pour certains d’entre eux, ignorent le cadre du dialogue défini par le chef de l’Etat, qu’ils assimilent à un ‘’exercice domestique’’. Pis, dans leur communiqué pour le moins incendiaire et qui s’éloigne de toute perspective de cessez-le-feu, ces mouvements n’envisagent pas leur participation au dialogue pourtant salué aussi bien par les Nations unies que par l’Union africaine, ainsi que d’autres acteurs majeurs de la scène diplomatique internationale, et qui s’ouvre lundi 30 septembre pour se tenir jusqu’au 4 octobre à Yaoundé.
Comble de ce que d’aucuns qualifient d’arrogance, ACT invite le pouvoir de Yaoundé à mettre fin à une guerre qu’il ne peut pas gagner. Dans le même temps, les leaders et représentants des sécessionnistes intiment aux Ambazoniens « de ne pas baisser la garde aussi longtemps que le régime Biya continuera de montrer une indifférence méprisante aux souffrances des peuples de l’Ambazonie ». Mieux, ACT « encourage les Ambazoniens à poursuivre la lutte pour leur auto-détermination et à se défendre contre l’envahisseur » qui n’est autre que l’Etat du Cameroun. Un discours ambigu qui trahit l’option des séparatistes de faire dans la surenchère, ou dans le chantage, étant sûrs d’avoir la caution de la Suisse. C’est oublier que le Cameroun, comme tout Etat digne de ce nom, a toujours été jaloux de sa souveraineté. Et a, de ce fait, contrairement à ce que soutiennent les partisans de la sécession, accordé une attention particulière à la crise anglophone. Dans son mémorable discours du 10 septembre, Paul Biya reconnait que depuis la survenance de cette crise, il n’a « ménagé aucun effort, avec l’aide de Camerounaises et de Camerounais de bonne volonté, pour rechercher les voies et moyens d’une résolution pacifique de celle-ci. »
Le président de la république ne met pas sous le boisseau l’implication des partenaires du Cameroun. «A l’interne comme à l’international, chacun y est allé de ses propositions et de ses suggestions. Certaines d’entre elles réalistes, d’autres nettement moins. Les conseils ont afflué. Certains avisés, d’autres intéressés. D’aucuns se sont même risqués à des injonctions. Des initiatives multiples et diverses ont également fleuri. La plupart du fait de personnes de bonne foi, de pays ou d’organisations véritablement soucieux du devenir de notre pays et du bien-être de nos populations », note Paul Biya. Qui annonce que le grand dialogue national « aura donc vocation à réunir, sans exclusive, les filles et les fils de notre cher et beau pays, le Cameroun, autour de valeurs qui nous sont chères : la paix, la sécurité, la concorde nationale et le progrès. »
Autant dire que la solution à la crise sera trouvée au Cameroun et avec les Camerounais. L’extérieur n’aime pas notre pays plus que nous pour qu’il détienne la clé du problème.
Arthur L. MBYE