Franc CFA: Issa Tchiroma prône une sortie conditionnelle
Le candidat du FSNC conditionne la sortie de la monnaie coloniale à une relance économique solide, misant sur la production nationale pour garantir une véritable souveraineté monétaire.
Et si la souveraineté monétaire ne se décidait pas dans les urnes, mais dans les champs et les usines ? À quelques jours de la présidentielle du 12 octobre prochain, Issa Tchiroma Bakary joue la carte de la prudence sur le franc CFA, en liant toute sortie à un préalable incontournable : la prospérité retrouvée du Cameroun.
Invité sur Équinoxe TV, le candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) a livré une position nuancée sur la monnaie commune de la sous-région. Contrairement aux discours radicaux qui appellent à une rupture immédiate avec le franc CFA ou à ceux qui défendent le statu quo, Tchiroma propose une voie intermédiaire : une transition progressive, adossée à une stratégie de relance économique nationale.
Pour l’ancien ministre de la Communication, l’émission d’une monnaie nationale ne doit pas précéder la prospérité : elle doit en être le reflet. Une sortie précipitée, selon lui, risquerait d’entraîner une dévaluation brutale, une envolée des prix et une perte de confiance des marchés. D’où sa proposition d’un maintien temporaire du franc CFA, pendant que le pays reconstruit les fondements de son autonomie économique.
Egalement, au cœur de son programme, figure la relance de la production nationale. Le candidat entend s’attaquer aux fragilités structurelles de l’économie camerounaise par un triptyque : agriculture intensive, industrialisation ciblée et modernisation des infrastructures. Il annonce, à cet effet, une vaste offensive agricole, avec un objectif ambitieux : un million d’hectares irrigués et une transformation locale accrue des matières premières comme le cacao et le coton. Pour lui, l’agriculture ne doit plus se limiter à un rôle social ; elle doit devenir une source stable de devises, condition essentielle à toute souveraineté monétaire.
Sur le plan industriel, dix zones économiques spéciales sont prévues à travers le pays, sur le modèle de l’Éthiopie ou du Maroc. Ces pôles bénéficieront d’avantages fiscaux et d’infrastructures dédiées pour attirer les investisseurs dans des secteurs clés comme la pétrochimie, le textile ou l’électronique. Un fonds souverain, alimenté par les revenus pétroliers, viendrait en appui à cette politique en renforçant les réserves en devises.
La modernisation numérique constitue le troisième pilier de cette stratégie. Fibre optique, 5G, e-gouvernance et finance mobile sont présentés comme des leviers pour améliorer la compétitivité, réduire la corruption et intégrer l’économie informelle. Tchiroma mise également sur l’extension du réseau routier, l’électrification et la formation technique pour accompagner la montée en puissance du tissu productif.
Mais derrière ce programme ambitieux se cachent de lourdes incertitudes. Le Cameroun reste confronté à une faible productivité agricole, une industrialisation lente et un climat des affaires peu incitatif. Les retards fréquents dans les projets d’infrastructure, la lourdeur bureaucratique et l’instabilité des politiques économiques compliquent la mise en œuvre de réformes d’envergure.
Par ailleurs, estiment les analystes, une telle stratégie exige du temps, de la stabilité et une vision d’État cohérente sur au moins une décennie. Or, dans un pays où les priorités évoluent au rythme des agendas politiques, la continuité reste un défi majeur.
Par Julien Efila

