Fonds en déshérence: Yaoundé et Libreville ignorent la Beac

Invitée à prendre part à une séance de travail le 09 décembre dernier à Yaoundé, les responsables de la Caisse des dépôts et consignations du Cameroun et du Gabon ont décliné au motif de plusieurs manquements de la Banque des Etats de l’Afrique centrale qui veut s’immiscer illégalement dans la conduite de ces entités hors de son giron.
C’est un véritable camouflet reçu par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) le 09 décembre dernier. En effet, dans sa quête dans sa volonté de s’immiscer illégalement dans la conduite des Caisses des dépôts consignations de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) qui sont des entités hors de son giron la Banque centrale a alors convoqué une réunion de travail le 09 décembre dernier en son siège à Yaoundé, la capitale du Cameroun. De façon diplomatique, le Gabon a séché ladite réunion en évoquant plusieurs manquements.
« Excellence, monsieur le Gouverneur, J’ai l’honneur de venir très respectueusement par la présente, solliciter le report de la première réunion du groupe de travail sur les activités des Caisses des Dépôts et Consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence dans la Cemac, rencontre prévue le lundi 09 décembre 2024 au siège de la BEAC à Yaoundé au Cameroun », écrit la partie gabonaise.
Elle ajoute : « cette requête vous est adressée, de manière exceptionnelle, pour les motifs suivants : La non-réception, à ce jour, de l’invitation officielle à la participation à ladite rencontre ; Pour des raisons de conflits d’agenda, je suis présentement à Casablanca (Maroc) pour prendre part au Forum AFIS 2024 (Africa Financial Industry Summit), ainsi que pour la signature de conventions dans le cadre de la coopération relative au Forum des Caisses de Dépôts ; La réception tardive de l’ordre du jour et du dossier de travail, le samedi 07 décembre 2024 à 23h45 par courriel ; L’importance des sujets abordés compte tenu des enjeux stratégiques et défis ; La non-réception du communiqué final amendé par les CDC (Gabon, Cameroun, Tchad, Congo) sanctionnant la réunion de concertation qui s’est tenue le 02 août 2024 entre le Secrétariat Général de la COBAC et les Caisses de Dépôts et Consignations (CDC) de la CEMAC ».
Dans la même veine que le Gabon, la partie camerounaise a boudé cette réunion organisée par la Beac. Ceci dans un contexte où, la Banque centrale, à travers la Commission bancaire des Etats de l’Afrique centrale (Cobac), tente de torpiller la Caisse des dépôts et consignation du Cameroun malgré les autorisations monétaires nationales, seules habilitées à réguler sa gestion. Prenant la parole à l’occasion de la « Finance Week » organisée par EcoMatin le 27 novembre dernier, les acteurs du système financier en Afrique centrale sont tour à tour sont montés au créneau pour dénoncer cet état de chose. « Nous sommes confrontés à un problème de transparence, de mal gouvernance, c’est une presque comme une malédiction en Afrique centrale. », a par exemple déclaré, Richard Evina Obam, le directeur général de la CDEC. Le comble a souligné le DG est que ces maux proviennent d’institutions que l’on pourrait croire insoupçonnables. « Quand je parle de malédiction, c’est que l’état de mal gouvernance, de défaut de transparence et les défauts de croyances aux principes de la conformité nous viennent des institutions insoupçonnables c’est-à-dire la BEAC et la COBAC », a-t-il indiqué.
Pour renforcer le système financier en zone CEMAC, il a alors appelé à un supplément de transparence. « Combien de fois avons-nous saisi la CEMAC pour obtenir des données statistiques sur les avoirs en déshérence ? Sans réponse », a-t-il déploré, soulignant en outre que le respect des textes communautaires sont essentiels pour accroître la crédibilité et l’attractivité de la place financière.
Un des points les plus critiques de ce manque de transparence et d’ingérence dans les affaires internes du Cameroun soulevé par le timonier de la CDEC concerne la décision sans fondement juridique de la COBAC, du 11 juillet 2024 de mettre fin aux effets du décret du Premier ministre exigeant le transfert des avoirs en déshérence à la CDEC « C’est très grave. C’est de la mal gouvernance. On ne peut pas violer allègrement le traité révisé de la CEMAC, qui prévoit que toutes les institutions et tous les organes de la CEMAC agissent dans la stricte limite de leurs attributions », a-t-il insisté, précisant que La COBAC n’est pas compétente en matière de service public de dépôts et consignation.
Un autre aspect préoccupant évoqué, Richard Evina Obam est la discrimination au sein de la communauté. Alors que la Caisse de Dépôt et Consignation gabonaise est autorisée à recevoir des avoirs en déshérence, la même opportunité est refusée au Cameroun sans justification juridique. Cette inégalité soulève des interrogations sur l’équité des décisions prises par la COBAC et la BEAC. Pourtant, face à des défis structurels tels que l’insuffisance de l’épargne et l’endettement excessif, il est crucial pour le Cameroun d’opérationnaliser la CDEC, car cette institution publique a un rôle moteur à jouer dans le renforcement de la liquidité du système bancaire et financier, tant sur le marché primaire que secondaire des capitaux.
Maixent Fegue