Fonction publique: Sigipes II se transforme en « Aigles »

C’est désormais l’unique plateforme officielle pour la gestion des ressources humaines et des soldes de l’État, remplaçant ainsi les anciens systèmes informatiques de gestion des personnels de l’État de 2e génération.
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, l’Application informatique de gestion logique des effectifs et de la solde (Aigles) est entré en vigueur. Aigles est désormais l’unique plateforme officielle pour la gestion des ressources humaines et des soldes de l’État, remplaçant ainsi les anciens systèmes Sigipes I (gestion des carrières) et Antilope (gestion des soldes). En plus de centraliser les données liées aux effectifs et à la solde, Aigles permet de gérer ces deux processus simultanément, ce qui améliore considérablement la coordination entre les administrations.
Joseph Le a exprimé sa satisfaction dans un communiqué daté du 3 janvier, soulignant les effets positifs de la mise en œuvre de cette plateforme. Le membre du gouvernement affirme que l’implémentation de Aigles a permis de régulariser un nombre significatif de dossiers en attente. Ainsi, apprend-on, 176 894 agents de l’État, dont les dossiers étaient en attente dans diverses administrations, ont bénéficié de la régularisation automatique de leurs avancements de classes et d’échelons. Le ministre a également précisé que 21 810 personnels, ne faisant pas l’objet d’une procédure disciplinaire, ont bénéficié de la même mesure pour le compte du mois de janvier 2025
Le projet Aigles est en réalité la relance du « nouveau Sigipes II », un projet initialement lancé en 2013 pour fusionner Antilope et Sigipes I dans une seule plateforme. Cependant, cette première tentative avait échoué. Ce n’est que plus tard, sous l’impulsion du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, que le projet a été relancé. En mai 2021, Sigipes II sera finalement confié à l’entreprise tunisienne Simac (Société de l’informatique de management et de communication). L’entreprise tunisienne sus-mentionnée avait eu un délai de 24 mois pour concevoir la nouvelle version de Sigipes 2, pour un montant global de 4,2 milliards de FCFA.
Mais, l’attribution de ce nouveau contrat n’a pas éclipseé le scandale qui entoure ce projet gouvernemental, dont l’aboutissement était initialement prévu en 2016. Michel Ange Angouing, alors ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative à l’époque, en avait fait la promesse ferme en 2014. Avant de confesser, au cours du conseil de cabinet du 30 mars 2017, l’incapacité du consortium Cameroun Audit Conseil-CBL Consulting, l’adjudicataire du contrat, à respecter ses engagements contractuels.
Fort de ce constat d’échec, Philémon Yang, le Premier ministre de l’époque, va commander un audit le 30 mars 2017, relativement à ce nouveau système informatisé qui a, dans un premier temps, englouti 7,6 milliards FCFA octroyés par l’Union européenne (UE). « S’agissant du Sigipes II, un travail a été fait et les conclusions ont été transmises à qui de droit, et nous attendons les nouvelles orientations de la hiérarchie à cet effet », avait indiqué l’actuel ministre de la Fonction publique, Joseph Lé, au cours d’un Comité interministériel d’examen des programmes (Ciep), le 17 août 2018 à Yaoundé.
Une perte de près de 8 milliards de FCFA
Ce membre du gouvernement reviendra à la charge, le 28 juillet 2020, au cours de la première session du Comité chargé de l’assistance du prestataire, du suivi et du contrôle de la mise en œuvre du Sigipes 2. « Il est clairement apparu que les bases sur lesquelles reposait la première phase de ce projet d’envergure étaient particulièrement fragiles. Le choix du prestataire s’est avéré peu judicieux, puisque le consortium retenu s’est disloqué avant le début de la phase opérationnelle, et l’expertise dans le domaine requis de la partie restante était sujette à caution. Sa défaillance n’aura donc pas été une surprise », avait révélé le ministre Joseph Lé, avant d’ajouter : « le mauvais départ du Sigipes 2 était aussi dû aux manquements du cahier des charges (…) qui a cruellement souffert du déficit d’expertise et de vision de ses rédacteurs ».
Depuis cet échec, qui a tout de même fait perdre près de 8 milliards de FCFA à l’État, le gouvernement, à travers le ministère de la Fonction publique, s’est attelé à sélectionner un nouveau prestataire. Sans que rien ne filtre sur la suite réservée au contrat foireux passé avec le consortium Cameroun Audit Conseil-CBL Consulting.
Pour rappel, selon les autorités gouvernementales, Sigipes II permettra de mettre un terme aux différentes fraudes perpétrées sur le fichier solde de l’État, et qui font perdre au Trésor public plusieurs milliards de FCFA chaque année. Concrètement, le nouveau système consiste en une fusion du fichier solde de l’État, géré par le ministère des Finances, et du fichier des agents publics, géré par le ministère de la Fonction publique. Son déploiement, apprend-on, va accroître la transparence dans la rémunération des personnels de l’État.
Le système actuel, en plus d’avoir révélé des dysfonctionnements rendant insuffisante la maîtrise du phénomène d’affectation des agents publics, leur mobilité entre les différents ministères, les abandons de postes et autres décès des personnels de l’État, « pose (…) le problème de base de données permettant une bonne analyse des informations historiques sur le personnel et la solde, ce qui rend difficiles les études rétrospectives permettant de mieux formuler les politiques salariales », souligne le document conçu par le ministère des Finances, en prélude au débat d’orientation budgétaire (DOB) 2021.
Maixent Fegue