Faiblesse : Le défit des soldes engagés non décaissés

Ces engagements, bien que non encore liquidés, pèsent implicitement sur la trésorerie de l’État, à travers les commissions d’engagements et influencent la capacité du gouvernement à honorer ses obligations financières.
Les Soldes Engagés Non Décaissés (SEND’s) représentent une préoccupation croissante dans la gestion de la dette publique au Cameroun. Ces engagements, bien que non encore liquidés, pèsent implicitement sur la trésorerie de l’État, à travers les commissions d’engagements et influencent la capacité du gouvernement à honorer ses obligations financières. Dans un contexte de pression budgétaire accrue et de besoins de financement importants, la gestion des SEND’s devient un enjeu clé pour la soutenabilité de la dette publique. Considérant que les SEND’s sont des engagements financiers pris sous forme d’emprunts futurs, disponibles sur des lignes de crédit auprès des bailleurs de fonds, mais non encore transférés dans les comptes des projets au niveau national ; ces ressources sont mises à la disposition des projets progressivement, en fonction de leur exécution.
Ainsi, le CNDP a élaboré des critères permettant de distinguer les « SEND’s normaux » des « SEND’s à problèmes ». Cette élaboration s’est faite dans le cadre du suivi-évaluation des projets à FINEX, avec pour but d’évaluer le rendement des financements liés aux projets. Il s’agit de : Les prêts entraînent des SEND’s datant de plus de 5 ans en 2024 ; Les prêts qui n’ont enregistré aucun décaissement avant à la date de l’évaluation ; Les prêts qui ne sont pas en vigueur six mois après la date de signature ; Les prêts dont la date limite de décaissement a été dépassée ou prolongée au moins une fois ; Les prêts dont la date limite de décaissement est proche (moins d’un an) et dont le taux de décaissement est inférieur à 50%.
Pour ce qui est de la composition des SEND’s, hors appuis budgétaires au 31 décembre 2024, il ressort que : (i) 71,6% provient des conventions de financements signées avec les bailleurs de fonds multilatéraux, dont 1 967 milliards de FCFA à décaisser auprès de la Banque Mondiale (soit 63% des SEND’s multilatéraux) ; (ii) 10% est issu de la coopération bilatérale, dont 118,2 milliards de FCFA à décaisser auprès de la France (soit 28 % des SEND’s bilatéraux) ; et (iii) 19% provient des prêts signés avec les partenaires commerciaux, dont 192 milliards de FCFA à décaisser auprès de ICBC (24% des SEND’s commerciaux). « Suivant l’hypothèse d’exécution des projets bénéficiaires conformément au plan de décaissement, explique la CAA, ces SEND’s pourraient être totalement tirés d’ici 2027 ».
Pour ce qui est des secteurs concernés, les SEND’s sont principalement concentrés dans des secteurs clés tels que les infrastructures, la santé, et l’éducation. Ces secteurs, bien que prioritaires pour le développement socio-économique du Cameroun, sont souvent confrontés à des retards dans la mise en œuvre des projets. Par exemple, dans le secteur des infrastructures, les projets routiers ou énergétiques peuvent subir des retards techniques, administratifs ou liés à des problèmes de coordination entre les parties prenantes. Dans les secteurs de la santé et de l’éducation, les retards peuvent être dus à des difficultés dans la passation des marchés publics, à des problèmes de livraison des équipements, ou à des défis logistiques.
Retards et conséquences
Ces retards entraînent une accumulation des SEND’s, ce qui immobilise des ressources financières qui pourraient être utilisées pour d’autres priorités nationales. Concernant son Impact sur la dette, bien que les SEND’s ne soient pas encore décaissés, ils sont comptabilisés dans les engagements globaux de l’État. Cela signifie qu’ils feront partie des obligations financières futures du Cameroun, dès les tirages effectifs, et pourront alourdir la charge de la dette à moyen et long terme si lesdits décaissements ne sont pas contrôlés.
Au final, une accumulation excessive de SEND’s, pouvant traduire une faiblesse d’absorption, si les plans de décaissement ne sont pas respectés par rapport aux engagements initiaux, sans une communication claire et des mesures correctives, peut éroder la confiance des partenaires et compliquer l’accès à des financements concessionnels ou à des conditions favorables. Cela pourrait également impacter la notation financière du pays, avec des conséquences sur les coûts d’emprunt futurs. Les SEND’s représentent un défi majeur pour la gestion des finances publiques au Cameroun. Pour y faire face, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi rigoureux, d’accélérer les procédures administratives et de renforcer la transparence dans la gestion des engagements. Ces mesures permettraient non seulement de limiter l’accumulation des SEND’s, mais aussi d’améliorer la gestion globale de la dette publique et de renforcer la crédibilité du Cameroun sur la scène internationale. Ce faisant, nombre d’administrations travaillent pour des solutions appropriées, dont les contributions des différents acteurs sont les bienvenues.
M.F.