Emigration: Enjeux et conséquences de la fuite des cerveaux
La déferlante migratoire camerounaise à destination du Canada porte certes un préjudice indéniable au gouvernement camerounais qui se trouve délesté ainsi du jour au lendemain de personnels déjà formés en quête de meilleures conditions de travail, pour une rémunération en contrepartie porteuse d’espoirs de transferts financiers vers l’économie nationale.
L’augmentation du nombre de migrants camerounais au Canada est une arme à double tranchant. Côté du Cameroun, l’émigration de profils qualifiés alimente les inquiétudes autour d’une fuite des cerveaux, en particulier dans les domaines sensibles tels que la santé ou l’éducation. En contrepartie, les transferts financiers de la diaspora vers l’économie nationale pourraient croître de manière significative.
Pour le Canada, cette immigration constitue une réponse directe aux besoins de main-d’œuvre, en particulier dans les communautés francophones hors Québec, tout en contribuant à l’objectif fédéral de renforcement de la vitalité linguistique et démographique. Une tendance de fond. La migration camerounaise vers le Canada s’inscrit dans une dynamique de long terme, amorcée dans les années 2000.
Ce mouvement est alimenté par l’attractivité croissante des universités canadiennes, l’élargissement des programmes d’immigration, ainsi que par les affinités linguistiques et culturelles entre les deux pays, tous deux membres de la Francophonie.
Les enseignants camerounais qui souhaitent voyager à l’étranger, en particulier ceux employés par l’État, seraient confrontés au harcèlement, à la discrimination et à l’exploitation dans les aéroports du pays. Les autorités aéroportuaires, notamment à l’aéroport international de Douala, auraient empêché les enseignants de partir, affirmant que cela se fondait sur les instructions du gouvernement.
Chasse à l’homme-enseignant
« Ces dernières années, le traitement réservé aux enseignants dans les aéroports camerounais, notamment à l’aéroport international de Douala, est devenu une source d’inquiétude. Les autorités aéroportuaires ont affirmé qu’elles exécutaient des ordres visant à empêcher les enseignants de voyager sans autorisation appropriée. Cependant, ce qui se passe en réalité est une pure exploitation des enseignants, avec des demandes de pots-de-vin atteignant des montants exorbitants, parfois jusqu’à 500 000 Fcfa », dénonce l’activiste politique Ndifor Richard.
Il souligne par ailleurs la nécessité pour le gouvernement de s’attaquer à la cause profonde de la fuite des cerveaux au lieu de cibler de manière discriminatoire les enseignants. « Au lieu de recourir à de telles mesures restrictives, le gouvernement devrait s’efforcer de comprendre les raisons qui expliquent le nombre croissant d’enseignants qui quittent le pays et prendre des mesures pour s’attaquer aux causes profondes », déclare-t-il. Dans la même lancée, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun marquera son indignation face à cette chasse à l’homme enseignant.
Prenant ses responsabilités, le Bâtonnier, au nom du Barreau, a récemment saisi par correspondance le gouvernement à l’effet d’exiger l’arrêt immédiat de la victimisation des enseignants qui, soutient-il, ne constituent pas la seule catégorie de professionnels émigrés du Cameroun. Le phénomène de fuite de cerveaux qui date depuis les indépendances n’a de cesse de prendre de l’ampleur au fil des années et au fur et à mesure que les conditions de travail et de rémunération des personnels de la fonction publique se dégradent. Le Bâtonnier qui sait de quoi il parle dénonce notamment la clochardisation des enseignants qui ne voient pas de perspectives alléchantes pour la suite de leur carrière. Le recours à l’émigration apparait alors que la seule bouée de sauvetage.
EM

