Données numériques: Des datacenters non certifiés dans le pays
C’est ce qui ressort d’une étude de la Division des études et projets du ministère des Finances présentée le 9 juillet dernier à Yaoundé.
Au Cameroun, les datacenters sont non certifiés. Voilà le constat de la Division des études et projets du ministère des Finances présentée le 9 juillet dernier à Yaoundé. Eve Amvene Aline Fernande Linda, chargée d’études à la Division des études et projets, a débuté la présentation des résultats de l’étude par le contexte de sa mise en œuvre marqué par la demande croissante en services numériques (cloud, IoT, e-services), la faible conformité aux normes internationales (ISO, TIA), l’absence de stratégie nationale consolidée sur les infrastructures numériques et la dépendance excessive aux Datacenters étrangers pour l’hébergement de données sensibles.
Dans cette étude intitulée « Datacenter au Cameroun : Compétitivité et viabilité », un rapport de 269 pages pour le document en français et 252 pages pour la version anglaise, on y trouve défini divers types de Datacenters (entreprise, colocation, cloud, souverain, hyperscale, modulaire, de périphérie, de services gérés) et identifié dix compétences clés nécessaires à leur bon fonctionnement, allant de la conception à la gestion des opérations et de la sécurité.
Les principaux résultats sont inquiétants : la majorité des datacenters camerounais sont de « TIER I » (niveau le plus basique : Ndlr) ou « II » (Redondance de la production d’électricité et du refroidissement : Ndlr), aucune certification ISO 27001 n’est détenue, le système de refroidissement est majoritairement à air, et une forte vulnérabilité énergétique due à la dépendance à l’opérateur historique du secteur de l’électricité Eneo est constatée. Ce qui signifie qu’ils ne sont pas autonomes en matière d’énergie électrique.
Malgré ces constats, l’étude a souligné des valeurs stratégiques indéniables : une cartographie des infrastructures existantes, une base solide pour la planification stratégique et les politiques numériques, un encouragement pour les investissements privés/publics, une aide à la transformation digitale de l’État (e-santé, IA, blockchain) et un appui à la transition énergétique.
Des défis aux solutions
Les échanges, animés par Mveh Chantal Marguerite, Directeur du Cenadi, ont mis en lumière plusieurs défis majeurs nécessitant une attention particulière dans le développement de l’écosystème des datacenters au Cameroun. Les participants ont exprimé des préoccupations concrètes et formulé des recommandations pertinentes pour orienter les politiques futures.
L’un des points les plus débattus a concerné la question énergétique. Le Pr Annie Wakata, Secrétaire Générale de l’Université de Yaoundé I, a souligné le décalage entre les besoins croissants en puissance de calcul et les capacités financières limitées des institutions publiques, illustrant son propos par le cas concret du datacenter de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé dont le budget annuel de fonctionnement ne dépasse pas 10 millions de FCFA. Cette situation pose l’épineux problème du modèle économique viable pour les infrastructures publiques.
La sécurité des données a également émergé comme une préoccupation majeure. Les représentants de l’ONUSIDA et du Fonds monétaire international (FMI) ont insisté sur l’urgence de renforcer les normes de sécurité, particulièrement dans un contexte où les administrations utilisent massivement des services étrangers comme Gmail et WhatsApp pour traiter des données sensibles. Cette pratique expose le pays à des risques importants de fuite ou de captation de données par des acteurs externes.
La prise en compte des infrastructures universitaires dans la stratégie nationale a fait l’objet d’un échange animé. Alors que l’étude initiale n’avait pas intégré les universités dans l’échantillon de collecte des données, le Pr ATSA Roger du ministère de l’Enseignement supérieur a tenu à rappeler l’existence du réseau du CDNU et des nœuds interconnectés dans les universités. Ce débat a mis en lumière la nécessité d’une approche plus inclusive dans les prochaines versions de l’étude.
En réponse à ces préoccupations, le Directeur du CENADI a reconnu la nécessité d’une mise à jour régulière des données et plaidé pour une approche collaborative. Elle a particulièrement insisté sur l’importance de développer des modèles économiques adaptés aux spécificités des différents types de datacenter, qu’ils soient publics, privés ou universitaires. « L’absence de rentabilité des infrastructures publiques n’est pas une fatalité, mais elle nécessite une réflexion approfondie sur leur modèle de gouvernance et de financement », a-t-elle déclaré. Ces échanges ont révélé la complexité des enjeux mais aussi la volonté commune des différents acteurs de travailler à des solutions concertées. La reconnaissance des lacunes actuelles et l’engagement à les combler constituent des signes encourageants pour l’avenir du secteur.
O.M.

