Dette publique: Les performances perfectibles de la CAA

Le cabinet Obi’V Solutions du Pr. Viviane Ondoua Biwole a publié le 15 mai dernier une note de conjoncture qui explique les points à améliorer au sein de la Caisse autonome d’amortissement.
Selon Viviane Ondoua Biwole, la Caisse autonome d’amortissement (CAA) ne communique pas les activités prévues dans la SND 30 et la Stratégie Sectorielle de la Gouvernance 2030. En effet, explique l’universitaire, dans le cadre de la mise en place de la Stratégie Nationale de Développement 2020- 2030 (SNDD30), l’objectif du gouvernement camerounais est d’utiliser divers moyens pour financer la transformation structurelle de l’économie tout en assurant la durabilité de la dette publique. Sachant que les montants d’investissement nécessaires pourraient entraîner des pressions d’endettement à moyen ou long terme l’État construit sa stratégie autour de cinq piliers : les fonds budgétaires internationaux, les marchés financiers, la collaboration bilatérale et multilatérale, l’intérêt privé et les partenariats entre le public et le privé (PPP).
Sur le plan pratique, apprend-on, l’accent est mis sur l’amélioration de la gestion de la dette en renforçant la mobilisation des ressources internes et en maintenant une discipline budgétaire rigoureuse d’une part et en réduisant progressivement les emprunts non concessionnels (SEND) au profit des financements concessionnels d’autre part.
En ce qui concerne la dette extérieure, la stratégie vise à allouer de manière sélective et efficace les ressources tout en garantissant que les projets financés sont socialement et économiquement viables. La dette nationale repose sur une stratégie prudente en matière d’émission de titres de dette publique et sur le maintien d’un marché secondaire actif avec le soutien de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac); elle fait également appel de manière mesurée aux mécanismes de financement, ainsi qu’aux opérations ciblées de rachat.
Enfin, le gouvernement mise sur les partenariats public-privé pour les projets d’infrastructures s’accommodant à ce mode de financement. La CAA est un acteur majeur de la finance publique camerounaise, ce positionnement fait de cette entreprise un pilier financier de l’action publique. « Le site web institutionnel présente l’ensemble des activités réalisées par l’entreprise, toutefois aucune communication plaçant ces activités dans le cadre de la SND 30 n’y apparaît. Cette absence interpelle sur la façon dont ses initiatives s’articulent avec les objectifs stratégiques définis par le gouvernement pour guider le développement du pays au cours de la prochaine décennie », indique l’analyste.
Performances faibles pour la CAA
Pour poursuivre l’analyse, Viviane Ondoua Biwole évoque les analyses de l’ex-Commission Technique de Réhabilitation (CTR) concernant la performance de la CAA. En l’absence des données pour l’exercice 2020, la situation financière de la CAA en 2019 laisse apparaître une dégradation du chiffre d’affaires de 10,34% par rapport à l’exercice 2018. La valeur ajoutée qui en résulte est en baisse de 10,17% suite à l’augmentation du poste lié aux services extérieurs. Les charges de personnel, bien qu’ayant connu une diminution de 4,24%, représentent 160,25% de la valeur ajoutée, entraînant une dégradation de l’excédent brut d’exploitation et du résultat courant d’exploitation. Par contre le résultat net est comptabilisé comme nul, comme pour 2019.
Au total, et sous réserve de la situation au 31 décembre 2020, l’entreprise présente un risque élevé en ce qui concerne sa capacité à honorer ses engagements à court terme avec un ratio de liquidité de 0,99 inférieur à l’unité et un risque moyen s’agissant de ses engagements à long terme avec un ratio de solvabilité de 0,996. Ses capitaux propres couvrent ses dettes à long terme.
En tant qu’organisme public, la CAA a joué un rôle majeur dans la recherche de financements à la faveur de la loi de finances 2021, autorisant la signature de nouveaux emprunts pour le relèvement des plafonds de crédit d’un montant global de FCFA 650 milliards, dont FCFA 350 milliards d’emprunts concessionnels et FCFA 300 milliards d’emprunts non concessionnels. De ce fait, le montant des prêts signés en 2021 s’élève à FCFA 951,4 milliards dont FCFA 705,5 milliards de financements concessionnels et FCFA 245,9 milliards de financements non-concessionnels.
Ces nouveaux emprunts ont porté l’encours de la dette du secteur public au 31 décembre 2021 à environ FCFA 11 331 milliards (soit 45,1% du PIB) en augmentation de 9,7% par rapport à 2020. Cet encours est composé de 92,3% de dettes directes de l’administration centrale, 7,5% de dettes des EEP et 0,2% de dettes avalisées. Dans le cadre du traitement des dettes de l’État vis-à-vis EEP, le MINFI a conclu des conventions de cession de créances avec certaines banques locales, afin de liquider les dettes vis-à-vis des entreprises publiques stratégiques ci-après : Société Générale et ENEO FCFA 38,9 milliards ; Banque Atlantique Cameroun et le Port Autonome de Kribi FCFA 24,7 milliards.
Sur la gestion des risques et de rétrocession de prêts, le montant global des emprunts rétrocédés au 31 décembre 2021 s’élève à FCFA 1 480 milliards, au profit des EEP ci-après : CAMWATER, CAMTEL, SODECOTON, CAMPOST, SIC, CNIC, EDC, AER, CCAA, SONATREL, FEICOM et SONARA. Pour le suivi des instruments de sureté, le montant des billets à ordre émis par l’État et dont les échéances ont été réglées s’élève à FCFA 96 milliards, en dépit des difficultés rencontrées par la CAA à récupérer systématiquement des billets à ordre échus auprès des partenaires locaux. Les décaissements effectifs sur les opérations de la dette et des financements sont estimés à FCFA 2 080,6 milliards en 2021, comme suit : i) décaissements sur financement extérieurs à FCFA 1 225,2 milliards ; ii) tirages effectués sur financements intérieurs à FCFA 855,4 milliards.
Le service de la dette publique a été réglé à hauteur de FCFA 917,4 milliards, soit 67% de la prévision annuelle évaluée à FCFA 1 374,4 milliards. Pour la dette extérieure, le service effectif cumulé de la période s’élève à FCFA 737,3 milliards, sur une prévision annuelle de FCFA 1 024 milliards, soit un taux d’exécution de 72%. Ces activités ont permis à la CAA de bénéficier des produits de codification et opérations sur titre en hausse de 17,82% par rapport à l’exercice précédent et des revenus financiers de FCFA 1 507 234 078 en baisse de 4,13% par rapport à 2020.
Au cours de l’exercice 2022, les activités de gestion de la dette intérieure et extérieure ont conduit à une hausse de 282,66% des produits de codification et des opérations sur titre d’un montant de FCFA 1 631 661 991. L’augmentation de la valeur ajoutée de 1140,18%, suite à l’augmentation de la subvention d’exploitation de 55,56%, demeure insuffisante et ne permet pas de couvrir les charges de personnels qui représentent 143,33% de ladite valeur ajoutée. Il en résulte un résultat d’exploitation qui demeure négatif, bien qu’en amélioration de 67,60%. Par ailleurs, malgré une baisse des revenus financiers de 2,97%, ceux-ci ont contribué à améliorer le résultat net devenu positif, en hausse de 190,40% par rapport à l’exercice 2021. Les capitaux propres sont en baisse de 11,20% suite au cumul des résultats nets déficitaires des exercices précédents. S’agissant des dettes sociales, elles sont en diminution de 83,60%. Les dettes fiscales quant à elles sont en augmentation de 19,26%.
En trois ans, la CAA n’a connu aucun changement de catégorie
Les arrêtés N°00000201 du 4 mai 2020 et N°00000001 du 1er janvier 2023 diffusés par le MINFI classifient les établissements publics par catégorie. Ils donnent une description des catégories auxquelles appartenaient les entités publiques en 2020, mais aussi des mouvements observés en 2023. Qu’il s’agisse de changements de catégorie ou de stagnations, en fonction de l’évolution de leurs chiffres d’affaires au cours des trois années précédentes. Ces classements permettent également de déterminer quel est le montant de la rémunération des dirigeants des entités publiques. Au regard de ces classements, la CAA a maintenu sa position au sein de la catégorie 5, ce qui indique une stagnation de sa performance.
Maixent Fegue