Crise anglophone : 1,1 million de déplacés à Bonaberi

Selon les données de l’OCHA (Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires), depuis le début de la crise anglophone, ces personnes ont fui les violences armées dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
Derrière les chants patriotiques et les parades scolaires exécutés ce 20 mai 2025, un malaise profond persiste dans le 4ème arrondissement de Douala. Bonaberi, jadis paisible quartier périphérique de la cité économique, porte aujourd’hui les stigmates d’une crise qui perdure depuis huit ans dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. En effet, depuis le début de la crise anglophone en 2016, Bonaberi est devenue l’un des principaux pôles d’accueil des déplacés internes. Selon les données de l’OCHA (Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires), près de 1,1 million de personnes ont fui les violences armées dans les zones anglophones. Bonaberi, en raison de sa position géographique et de son dynamisme économique, en accueille plusieurs dizaines de milliers. D’où l’explosion démographique incontrôlée. Les infrastructures sociales (écoles, hôpitaux, marchés, logements) sont submergées. « Nos salles de classe sont pleines à craquer. Parfois, on a plus de 100 élèves par classe », témoigne un enseignant du lycée de Bonaberi.
Du côté des formations sanitaires, le personnel médical peine à répondre à la demande. « Les files d’attente sont interminables. Nous manquons de médicaments, de personnel, et même d’espace pour accueillir les patients », déplore une infirmière du centre de santé de Bonendale. Toutefois, malgré la pression, Bonaberi reste un exemple de résilience et de tolérance. Ici, francophones et anglophones cohabitent dans une paix relative, unis par la nécessité et les liens économiques. Les marchés, les églises et les écoles sont devenus des lieux de brassage culturel. Mais la cohabitation n’est pas sans tensions. « Il y a parfois des frictions, surtout quand les gens se sentent délaissés ou que les ressources deviennent insuffisantes », souligne un prêtre de l’église catholique qui a requis l’anonymat. Les autorités municipales et administratives souvent dépassées, n’ont pas voulu répondre à nos questions. Cependant, les initiatives portées par des ONG et des comités locaux, tentent de répondre aux besoins des plus nécessiteux.
Alors que le thème officiel de la fête de l’unité cette 53ème édition est « Armée et Nation unies pour un Cameroun tourné vers la paix et la prospérité », le contraste entre les discours officiels et la réalité de terrain saute aux yeux. Bonaberi incarne cette diversité, mais aussi ses défis. La paix proclamée lors des cérémonies contraste avec les témoignages de déplacés qui continuent d’espérer un retour sécurisé dans leurs régions d’origine. « Nous chérissons encore le rêve d’un retour sur la terre de nos ancêtres », exprime Marcuis Igoh, déplacé interne. De même, pour le psychosociologue Jean-Mérimé Ntamack, l’unité n’est pas seulement une affaire de célébration, c’est une construction quotidienne. « Tant que la crise perdurera au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, l’unité du Cameroun restera une œuvre inachevée », affirme-t-il. Plus clairement, la fête est finie, mais les défis demeurent. La surpopulation, le chômage, la précarité et les tensions intercommunautaires continuent de miner la cohésion à Bonaberi.
Charles Totchum