Consommation: Le prix du riz gonfle malgré les assurances du Mincommerce

Bien que Luc Magloire Mbarga Atangana, le ministre du Commerce, a annoncé le 31 septembre dernier le retour du riz indien non-basmati sur le marché afin de faire baisser l’inflation, c’est le statu quo sur le marché.
Au marché central de Yaoundé, la situation est tendue. En ce 4 novembre 2024, Hélène, une femme au foyer, arpente les allées à la recherche d’un accompagnement pour son repas du jour. Avec l’inflation qui ne cesse d’augmenter, elle espérait que le riz serait une solution abordable pour nourrir sa famille. Pourtant, elle fait un constat amer : « On ne s’en sort pas, que ce soit le manioc, le bâton, le plantain ou même l’igname, les prix sont exorbitants. Je pensais que le riz au moins allait permettre de nourrir ma petite famille, mais comment faire quand le kilo de riz long grain coûte 650 Fcfa et les brisures à 800 Fcfa ? », déplore-t-elle. Les prix élevés du riz, autrefois un aliment de base abordable, deviennent une source de préoccupation majeure pour de nombreux Camerounais.
La situation est similaire, dans d’autres villes et régions du pays, surtout dans les zones reculées. À d’Ebolowa, dans la région du Sud, les habitants subissent également cette flambée des prix. Kevin, un étudiant, observe cette hausse depuis plusieurs mois. « Nous avons commencé l’année 2024 avec le kilogramme de riz à 500 Fcfa. Ensuite, vers mars, c’est monté à 600 Fcfa. Après une brève baisse à 500 FCFA pendant les fêtes de Pâques et le Ramadan, le prix est reparti à la hausse et se situe désormais entre 650 et 800 FCFA selon la qualité », explique-t-il. Les témoignages de Kevin et d’autres consommateurs montrent à quel point l’accessibilité au riz est devenue une lutte quotidienne.
Rareté du riz indien et préférences des consommateurs
Pour les commerçants, cette augmentation des prix est due à une pénurie de riz importé sur le marché camerounais. Albert, un vendeur au marché Mfoundi à Yaoundé, explique qu’il y a de moins en moins de riz importé disponible. « Actuellement, il n’y a presque plus de riz importé. Je ne peux plus vendre le sac de riz comme je le faisais il y a quelques semaines car cela ne me rapporte pas suffisamment. Le sac de 50 kg de riz tailladé coûte 26 000 Fcfa, et je le revends à 26 500 ou 26 800 Fcfa au plus. Mais si je le vends au détail à 650 FCFA le kilo, je gagne 32 500 Fcfa », explique-t-il. Cette stratégie de vente au détail plus rentable montre comment les commerçants tentent de maximiser leurs profits dans un contexte de pénurie.
Selon des sources au ministère du Commerce, cette hausse des prix est également alimentée par les préférences des consommateurs pour certaines variétés de riz, notamment le riz thaïlandais et indien, par rapport au riz pakistanais. « Sur un sondage de 100 ménagères au Cameroun, 60 préfèrent le riz thaïlandais, 40 optent pour le riz indien et seulement 20 choisissent le riz pakistanais », note une source. Lorsque les commerçants constatent que certaines variétés sont plus demandées, ils augmentent les prix en spéculant sur leur rareté. Le riz pakistanais, bien qu’abondant sur le marché et à des prix relativement bas (485 à 500 Fcfa le kilo selon les régions), n’est pas autant prisé par les consommateurs. En juillet dernier, le Cameroun a également importé 14 500 tonnes de riz chinois, mais sa distribution reste limitée en raison des conditions climatiques difficiles qui entravent la circulation rapide des véhicules de transport.
Un déficit de production local persistant
Au-delà des préférences des consommateurs et de la spéculation sur les prix, le véritable problème réside dans le déficit de production de riz local. En 2023, le Cameroun n’a produit que 140 000 tonnes de riz pour une demande nationale de 630 000 tonnes, soit un déficit de plus de 500 000 tonnes. Ce déficit pousse le pays à dépendre fortement des importations pour combler l’écart. Le riz Paddy, produit localement, est rarement vu sur les étals des marchés car une grande partie de la production est exportée vers les pays voisins, comme le Nigéria et le Tchad. Même le riz importé suit parfois ce chemin, ce qui réduit encore plus l’offre disponible pour les consommateurs locaux.
Ainsi, face à l’inflation qui atteint 6 % en juillet 2024, les Camerounais continuent de subir les conséquences d’une hausse des prix des produits alimentaires, avec le riz en tête. Cette situation illustre les défis économiques auxquels le pays est confronté, combinant des facteurs internes de production insuffisante et des dynamiques de marché influencées par les préférences des consommateurs et les comportements des commerçants.
Marie Michèle Atouba