Conjoncture économique: La dette de l’Etat demeure soutenable

La toute dernière note de Conjoncture économique publiée par la Caisse autonome d’amortissement à fin mars indique qu’il n’y a pas de craintes bien la créance publique a augmenté de 7,8%, à 14 237 milliards de FCFA, représentant 45,6% du Produit intérieur brut (PIB).

« Le Cameroun devrait préserver une trajectoire d’endettement soutenable, tout en assurant les ressources nécessaires à son développement économique et social ». C’est la conclusion de la toute dernière note de Conjoncture économique publiée par la Caisse autonome d’amortissement (CAA), l’organe en charge de la gestion de la dette publique au Cameroun. Pour parvenir à cette conclusion, la CAA indique qu’au au 31 décembre 2024, l’encours de la dette du secteur public (non consolidé) s’élève à 14 237 milliards de FCFA, représentant 45,6% du PIB.

Bien que marquée par une baisse de 0,7% sur un mois, indique la note de Conjoncture, la dette publique du pays enregistre une hausse de 0,2% par rapport au trimestre précédent et une progression notable de 7,8% en un an. Cette dynamique, bien que modérée à court terme, s’inscrit dans une trajectoire maîtrisée, conforme aux orientations de la Stratégie d’Endettement à Moyen Terme (2024-2026), qui vise un niveau de 50% du PIB à l’horizon 2026, en dessous du seuil de critère de convergence sous régionale de 70% du PIB.

À fin décembre 2024, l’encours de la dette extérieure de l’Administration Centrale s’élève à 8 757 milliards de FCFA, soit 28,1 % du PIB. Ce niveau d’endettement illustre le recours aux financements extérieurs pour soutenir les besoins de développement, tout en maintenant un équilibre entre les différentes sources de financement. Sur le plan évolutif, cette dette enregistre des hausses successives de : +0,8 % par rapport au mois précédent ; +2,6 % en glissement trimestriel et +9,4 % en glissement annuel.

En terme de répartition, la structure de la dette extérieure reste dominée par les financements multilatéraux et bilatéraux : 49,4 % sous forme de dette multilatérale, contractée auprès d’institutions financières internationales, bénéficiant de conditions préférentielles ; 34,9 % sous forme de dette bilatérale, issue d’accords de coopération avec des États partenaires ; 15,7 % sous forme de dette commerciale, résultant d’émissions obligataires et de financements auprès d’institutions financières privées. Cette répartition reflète une diversification des sources de financement, avec une prépondérance des prêts concessionnels, mais aussi une part non négligeable de financements commerciaux, nécessitant une gestion prudente pour assurer la soutenabilité de la dette.

Avec un encours de 4 327 milliards de FCFA, la dette multilatérale constitue la principale source de financement extérieur de l’État. Elle traduit une stratégie privilégiant des partenaires offrant des conditions financières avantageuses, telles que des taux d’intérêt modérés et des échéances longues. Les principaux créanciers multilatéraux sont : La Banque Mondiale (IDA et BIRD), qui détient 39,7% de la dette multilatérale, soit 19,6% de la dette extérieure totale ; Le Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD et FAD), qui représente 25,5% de la dette multilatérale, soit 12,6% de la dette extérieure totale ; le Fonds Monétaire International (FMI), avec 21,3% de la dette multilatérale, soit 10,6% de la dette extérieure totale (hors allocation des Droits de Tirages Spéciaux – DTS). Ce portefeuille multilatéral témoigne du rôle essentiel joué par ces institutions dans l’accompagnement des politiques économiques et sociales du Cameroun.

D’un encours total de 3 055 milliards de FCFA, la dette bilatérale repose sur des accords entre États, traduisant des relations de coopération économique et diplomatique. Deux partenaires majeurs se distinguent : la Chine, qui détient 67,1% de la dette bilatérale, soit 23,4% de la dette extérieure totale. Cette position dominante reflète un soutien financier significatif, principalement orienté vers le développement des infrastructures et des grands projets en cours ; la France, avec une part de 24,2% de la dette bilatérale, représentant 8,4% de la dette extérieure totale, traduisant une continuité dans la coopération financière entre les deux pays.

La dette commerciale

Représentant 1 375,2 milliards de FCFA, la dette commerciale regroupe des emprunts contractés sur les marchés financiers ou auprès d’institutions privées. Elle se compose principalement de : Eurobonds émis en 2015 et 2021, représentant 34,9% de la dette commerciale, soit 5,5% de la dette extérieure totale ; financements contractés auprès d’AFRICAN EXPORT-IMPORT BANK, qui détient 15,5% de la dette commerciale, soit 2,4% de la dette extérieure totale. Bien que cette catégorie de dette offre une plus grande flexibilité en termes de mobilisation des ressources, elle implique également un coût plus élevé, nécessitant une gestion rigoureuse pour limiter les charges d’intérêt et assurer une soutenabilité budgétaire à moyen terme. Aussi, les paiements des échéances de dette devraient se faire à bonne date.

Dette extérieure

À fin décembre 2024, l’encours de la dette rétrocédée s’établit à 934,8 milliards de FCFA, soit 3,0% du PIB. Cette dette, résultant du processus de rétrocession des financements extérieurs aux établissements publics, constitue un levier important pour le financement de leurs projets stratégiques et d’investissements structurants. Sur un montant global engagé de 1 518 milliards de FCFA, la dette rétrocédée est répartie entre 11 entreprises publiques bénéficiaires. Elle représente 7,1% de la dette directe de l’Administration Centrale. Cet encours enregistre : une hausse mensuelle de 0 ,2%, traduisant de nouveaux décaissements ou des réajustements des engagements financiers ; une évolution trimestrielle de 1,1%, indiquant une tendance progressive d’accroissement ou d’amortissement de la dette au cours du dernier trimestre ; une progression annuelle de 2,4%, soulignant l’augmentation des engagements rétrocédés sur un an. Cette dynamique reflète à la fois la poursuite des décaissements en faveur des entreprises publiques et la gestion progressive du stock de dette rétrocédée.

Dette intérieure

Au 31 décembre 2024, l’encours de la dette intérieure s’élève à 4 431 milliards de FCFA, soit 14,2 % du PIB. Cette dette se compose de : 83 % de dette hors Restes à Payer et dette flottante, constituant la majeure partie des engagements intérieurs ; 7,7 % de Restes à Payer de plus de 3 mois, traduisant des engagements budgétaires non encore honorés dans les délais réglementaires ; 9,3 % de dette flottante, recensée en 2023 mais portant sur des engagements antérieurs à 2020.

Au 31 décembre 2024, l’encours de la dette intérieure de l’Administration Centrale (hors Restes à Payer et dette flottante) est évalué à 3 677,4 milliards de FCFA, soit 11,8% du PIB. Cet encours connaît les évolutions suivantes : +1,6% par rapport à novembre 2024, traduisant une augmentation des engagements domestiques ; +0,2% en glissement trimestriel, indiquant une stabilisation progressive des financements intérieurs ; +5,5% par rapport à décembre 2023, soulignant une dynamique de croissance de la dette intérieure sur l’année. La structure de cette dette intérieure se répartit ainsi qu’il suit : 54,1% sous forme de titres publics, mobilisés via des émissions obligataires et bons du Trésor ; 23,5% de dette structurée, résultant d’accords financiers spécifiques ; 15,7% de dette consolidée auprès de la BEAC, reflétant le rôle de la banque centrale dans le financement domestique ; 1,8% de dette non structurée, correspondant aux engagements ponctuels et autres financements, ne disposant pas d’échéancier de remboursement précis.

Restes à Payer

L’encours total des Restes à Payer (RAP) affiche une baisse de 8,6 % en glissement annuel, témoignant des efforts engagés en matière de régularisation et d’apurement des engagements budgétaires tout au long de l’année 2024. Toutefois, les RAP de plus de 3 mois, intégrés dans l’encours de la dette publique, connaissent une hausse significative. Leur montant atteint 341,7 milliards de FCFA à fin décembre 2024, contre 161,5 milliards de FCFA en décembre 2023, soit une augmentation de 111,5 % sur un an. Cette augmentation des Restes à Payer de plus de 3 mois s’explique également par le non décaissements des appuis budgétaires attendus au dernier trimestre 2024 dans le cadre des programmes en cours avec le FMI.

Cette évolution met en évidence deux enjeux majeurs : 1. L’apurement progressif des engagements passés, afin de réduire l’accumulation des arriérés budgétaires et de préserver la soutenabilité des finances publiques ; 2. Une gestion optimale de la trésorerie ; 3. Un contrôle plus rigoureux des nouvelles dépenses, afin de limiter l’aggravation du stock de RAP et d’assurer une exécution budgétaire optimale. Pour éviter que l’accumulation des RAP ne compromette la gestion budgétaire, il est essentiel de : accélérer l’apurement des engagements anciens, en adoptant une approche mieux planifiée et en allouant des ressources spécifiques à cet effet ; renforcer les mécanismes de suivi et de régulation des engagements budgétaires, pour assurer un alignement strict entre les autorisations de dépenses et les capacités réelles de paiement ; envisager des solutions de structuration financière, afin de transformer ces engagements en instruments mieux adaptés à la gestion de la dette publique.

Maixent Fegue

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