André Siaka, PDG de Routd’Af (Routes d’Afrique): « Dialogue public – privé : Vers un renouveau du partenariat État – Secteur privé »

Il est évident que pour un Cameroun en quête de prospérité économique, le partenariat entre l’État et le secteur privé constitue un levier stratégique essentiel. Cependant, force est de constater qu’il n’a pas toujours été aussi fructueux qu’il aurait dû l’être. En effet, malgré plusieurs tentatives et diverses initiatives, le dialogue public-privé au Cameroun semble avoir stagné au fil des années. Peut-on parler de véritable partenariat lorsque les résultats concrets font défaut ? La question mérite d’être posée.

À l’origine, ce partenariat avait été défini comme une collaboration active, où chaque partie, tout en restant indépendante, unirait ses efforts pour atteindre des objectifs communs. Cependant, comme nous l’avons vu dans les années passées, ces échanges ont souvent pris la forme de dialogues ponctuels, plus symboliques qu’effectifs. Le Comité Interministériel Elargi au Secteur Privé, par exemple, qui a eu lieu jusqu’au début des années 2000, ressemblait davantage à une rencontre protocolaire qu’à un réel échange stratégique. L’État décidait de l’agenda, des participants, des lieux et des dates sans véritable concertation. Pour certains, cette invitation était perçue comme un privilège, une sorte de faveur accordée au secteur privé, mais l’idée d’une véritable synergie entre les deux entités était absente.

Toutefois, de manière plus ciblée et grâce à la volonté du ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, des avancées notables ont été faites sur le plan sectoriel. Le patronat a été impliqué dans les négociations et la mise en œuvre des programmes du FMI et de la Banque mondiale, en particulier ceux qui ont mené à la décision du Point de Décision de l’Initiative PPTE en 2000. Cette collaboration a également permis la réforme fiscale, notamment l’introduction de la TVA en 1998. Mais là encore, ces initiatives restent des exemples isolés et non une structure de partenariat soutenue.

Avec l’émergence du Cameroon Business Forum (CBF) en 2009, une nouvelle étape a été franchie, mais malheureusement sans succès durable. En s’inspirant du modèle vietnamien de dialogue public-privé, soutenu par la Société Financière Internationale (IFC), le CBF visait à créer une plateforme de discussions entre l’État et le secteur privé. Pourtant, le manque de confiance mutuelle et l’orientation transactionnelle des discussions ont fait que cet effort est resté inachevé. Quinze ans après sa création, le CBF peine à prouver son efficacité, comme en témoigne la persistance de mauvaises performances dans le classement Doing Business. En 2020, le Cameroun était classé 167e sur 190, une position similaire à celle de 2009.

Face à cette situation, le Patronat a rompu avec le CBF en 2021, signifiant ainsi la fin d’une collaboration déjà fragile. L’absence de dialogue entre l’État et le secteur privé s’est exacerbée, et les tentatives récentes pour relancer cette dynamique, comme celle proposée par le FMI, n’ont pas permis de redresser la situation. Le programme signé avec le FMI en 2021, bien qu’il prévoie un renforcement de la concertation entre les deux secteurs, n’a pas produit les résultats escomptés. Il est donc clair que, malgré les interventions externes, la relation entre l’État et le secteur privé reste marquée par un déficit de confiance et une vision réductrice du rôle du secteur privé.

Aujourd’hui, les enjeux n’ont jamais été aussi cruciaux. La réalisation des objectifs économiques du Cameroun, en particulier ceux de la Stratégie Nationale de Développement 2030 (SND30), dépend fortement d’un partenariat véritablement structuré entre l’État et le secteur privé. La SND30, qui place la transformation de l’économie au cœur de ses priorités, ne peut être réalisée sans l’implication active du secteur privé. Qu’il s’agisse de l’industrie, de l’emploi ou de l’import-substitution, ce sont les acteurs privés qui devront porter ces réformes. Il est donc impératif qu’ils soient pleinement associés à la définition des objectifs et des prérequis nécessaires à leur atteinte.

Ainsi, il est évident que la réussite du Cameroun passe par un renouveau du partenariat entre l’État et le secteur privé. Ce partenariat ne peut être réduit à des rencontres ponctuelles, mais doit s’établir autour d’une vision commune, d’un cadre institutionnel solide et d’un suivi rigoureux des engagements. Ce n’est qu’en renforçant les structures de gouvernance des deux côtés que l’on pourra espérer de véritables résultats.

Pour que le Cameroun réalise son plein potentiel économique, il est impératif que l’État et le secteur privé forment une alliance véritable et fonctionnelle. Ce partenariat ne se limite pas à des discussions formelles, mais doit être un mécanisme institutionnalisé visant des résultats concrets. La confiance, la reconnaissance mutuelle et l’engagement sincère des deux parties seront les clés d’une collaboration durable et fructueuse. Comme le dit le proverbe, « il faut être deux pour danser le tango… mais sans se marcher sur les pieds ».

 

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